Ethnographie du zamou :
La Pratique occulte de l’enrichissement rapide chez les jeunes
Par Franck Donald Kehi
NDLR
: ISF publie ici un texte important destiné à décrire dans l'étendue de
sa diversité, un phénomène africain et ivoirien en particulier
préoccupant par son ampleur et chaque fois amplifié lors des périodes
électorales. Le comprendre grâce à cette analyse pour mieux peut être
tenter de résoudre une situation économique qui induit des
comportements délictueux voire criminels parait essentiel. Triste
réalité qu'il est peut être possible de juguler par des actions
favorables à la prospérité et à la stabilité d'une pays que l'on
souhaite ardemment voire émerger de ses difficultés.
Une
vague d’assassinats a créé la psychose dans l’imaginaire populaire en
Côte d’Ivoire, une Côte d’ivoire qui sort d’une décennie de crise
politico-militaire dont les violences postélectorales de 2010-2011 ont
constitué l’épilogue, faisant plus de 3.000 morts en cinq mois.
La police a comptabilisé 25 dossiers d’enlèvements d’enfants en trois
mois, suivis de meurtres sur tout le territoire ivoirien . La plupart
des corps ont été retrouvés "mutilés, avec la disparition de leurs
parties génitales, ou décapités", selon la police ivoirienne . Près de
1 000 personnes ont été interpellées et ces personnes visées sont
"essentiellement des individus fréquentant les cybercafés et rôdant
autour des écoles". Les autorités n’ont pas encore établi de lien entre
ces différents enlèvements, mais le ministre de la Défense a évoqué la
piste de "cybercriminels" et d’une "filière de crimes rituels". Le
mercredi 28 janvier 2015, "près de 550 cybercafés non autorisés ont été
fermés par la gendarmerie nationale sur l’ensemble du territoire. A
instar des autorités policières, la population ivoirienne désigne, sans
preuve, les "brouteurs", des délinquants spécialisés dans les
escroqueries sur internet, comme les auteurs de ces crimes. Si
les autorités se gardent bien de faire le lien, les rumeurs les plus
folles ont toujours circulé pendant les années d’élections en Côte
d’Ivoire sur les disparitions de personnes, notamment les albinos, à
des fins de sacrifices humains.
Le terrain politique en Afrique est-il tellement perçu comme dangereux
avec de nombreux adversaires tout aussi dangereux et redoutables dans
l’imaginaire des hommes politiques que ces derniers n’imaginent pas
qu’on puisse le garder sans s’entourer de toutes les protections . Dès
lors, ils s’attachent les serviteurs des «pasteurs-coachs» ou
«féticheurs-coachs» et autres maîtres des surnaturels (Guibléhon ;
2011). Les périodes électorales ou celles des remaniements
gouvernementaux deviennent des moments propices pour des pasteurs, pour
coacher les hommes politiques en proposant leurs services et biens de
salut non gratuits permettant à ces derniers de se prémunir contre les
forces du mal ou de maîtriser la dimension invisible du pouvoir qui
leur échappe (Guibléhon ; 2011). Aussi, les sacrifices ou meurtres
rituels se multiplient à la veille des échéances électorales. Tonda
(2002b: 1-13 cité par B. Guibléhon ; 2011) décrit ces faits comme une
«criminalisation populaire du pouvoir et des temps électoraux», une
criminalisation renforcée par des «transactions financières occultes
entre les sectes internationales et les cercles des pouvoirs d’Etat
africains entre des pasteurs prophètes ou hommes de Dieu et des hommes
politiques» .
Dans cette même perspective descriptive, les brouteurs, reconnu pour
leur pratique zamoustique , sont plus ou moins indexé par l’opinion
publique pour leur supposée implication dans ces assassinats d’enfants
en cascade . En effet, l’avènement de la cybercriminalité s’est
présenté comme une bouée de sauvetage pour les jeunes qui croupissait
sous le joug du chômage qui atteignait 48% en 2008. Compte tenu de
cette tendance pratique portée sur la façon de mettre au cœur du
système de fonctionnement de ses activités les recettes
idéologiques et matérielles d’un coach spirituel , les brouteurs ont
reproduit cette logique à l’intérieur de leur système d’activité en
s’orientant au départ vers des féticheurs locaux et ensuite,
progressivement vers ceux de la sous-région de renommé averties. Ce
choix se situe autour de la possibilité de maximiser leurs gains afin
de donner une tonicité réelle à leur activité de broutage à travers la
pratique du zamou superposée à un assemblage de stratégiques d’arnaque
virtuels.
Ainsi, ces deux acteurs (acteurs politiques et brouteurs) sont ciblés
par la population pouvant potentiellement présentée des profils
criminels. Dans le cadre de cet article, nous allons nous intéresser
spécifiquement aux brouteurs et au rapport qui semble existé entre la
pratique du zamou dans sa démocratisation et l’idée du raccourcissement
de l’espérance de vie de l’adepte du zamou.
1. Démocratisation de la pratique fétichiste dans une société ivoirienne dite modernisée
Après les indépendances, les hommes d’Etat ont convoqué le fétiche dans
les sphères de la gouvernance pour maitriser les contingences liées à
l’exercice du pouvoir. Par effet de ruissellement, l’appareil social
s’est mis à reproduire voir à intégrer cette logique traditionnelle
dans son quotidienneté sociale. Dans cette dimension, on assiste, par
extension, à une institutionnalisation du fétichisme dans les instances
du football professionnel ivoirien dans les années 80 et à son
appropriation par les jeunes sensible au contrôle du pouvoir de la rue
et de sa conquête territorialisée sans partage dans les années 90. Le
fétiche apparait désormais sous sa forme moderne comme un outil
socio-culturel dynamique et réducteur des contingents structurels et
sociaux compte tenu de ses effets de recomposition et de
restructuration à l’intérieur d’un système social. En outre, les
‘’femmes au foyer’’ , déclassé socialement vu la répartition légendaire
des tâches entre sexe au sein des couples, font recours au fétichisme
pour maintenir et contrôler la structure familiale. Au-delà de cet
aspect microsocial, aujourd’hui, semble se présenter une nouvelle
configuration sociale où les adolescents mobilisent les compétences du
fétiche dans leur activité informelle afin de redynamiser
celle-ci. Dans une perspective globale, nous sommes en face d’une
démocratisation de la pratique du fétichisme dans une société
ivoirienne en reconstruction. Ce constat nous permet de jeter les bases
premières de la compréhension portée sur le caractère essentiel du
fétichisme dans la constitution d’une activité sociale et de l’impact
de ses effets sur le modèle de réussite de ses projets des acteurs
sociaux ivoiriens. Mais, le déploiement des effets du fétichisme
moderne laisse poindre à l’horizon, des conséquences liées à une
logique du don . Donc, la question est de savoir, dans quelle mesure la
pratique du zamou semble être conditionnée par le risque lié au
raccourcissement de l’espérance de vie de l’adepte.
2.
Une pratique fétichiste conditionnée dans les imaginaires sociaux par
l’idée du raccourcissement de l’espérance de vie des adeptes
Les logiques qui gouvernent les comportements cybercriminels se
construisent autour de l’imaginaire social caractérisé par l’idée du
raccourcissement de l’expérience de vie des usagers du zamou. Cette
idée résulte de la représentation populaire fondée autour du décès de
l’initiateur de la mouvance culturelle «coupé décalé ». Accusé d’avoir
troqué son âme en contre partie de la célébrité pour une période de
trois ans , Stéphane Doukouré (Douk Saga) serait présenté comme le
symbole de la représentation d’un cercle vicieux autodestructeur. Cette
illusion constitutive de l’usage des fétiches se propage concomitamment
avec les dispositifs de séduction du capitalisme néo-libéral faisant de
la consommation la force motrice de son système (Tonda ; 2002).
En même temps que beaucoup de cybercriminels convoquent la pratique du
zamou pour s’enrichir rapidement, elle est dans le même moment perçu
comme un outil-réducteur de l’espérance de vie. Il ressort des
préoccupations soulevées par ce deuxième ordre de constat les questions
suivantes ; pourquoi malgré ce risque perçu, les jeunes s’y lancent
? Comment est-ce que le besoin de se référer à cette pratique
fétichiste et le risque qui y est perçu induisent en termes de
comportements criminogènes chez ses jeunes ?
L’objectif de notre article est de comprendre le rapport qui existe
entre la pratique du zamou et l’idée du raccourcissement de vie de
l’adepte. Pour mener à bien notre recherche, nous nous sommes inspirées
des données empiriques de notre mémoire de master de recherche effectué
en 2014. La théorie de l’imaginaire sociale de Castoriadis nous permet
d’analyser les productions imaginaires de la société ivoirienne et des
effets qu’elles induisent.
Définition de l’imaginaire social
L’imaginaire social se définit comme l'autodéfinition d'une société par
ses membres (Taylor, 2002). Cette notion renvoie à une sorte de théorie
du social mais élaborée et partagée par les collectivités et non par
les élites intellectuelles. Aussi, l'imaginaire social englobe non
seulement la compréhension du monde et les attentes sociales communes
qui permettent l'émergence de pratiques collectives, mais aussi la
façon dont les individus s'organisent les uns par rapport aux autres
dans la réalisation de ces pratiques collectives. Castoriadis (1986)
insiste sur le caractère créateur de l'imaginaire, la société
s'auto-instituant par l'imaginaire, même si elle occulte cette auto
institution en la faisant passer pour l'œuvre des ancêtres, de Dieu ou
des lois sociales ou historiques. L'imaginaire social n'encadre pas la
société, il est la société et crée la société: société chaotique
instituante créant, pour lutter contre le chaos qui la caractérise, une
société instituée unifiée par la «cohésion interne du tissu immensément
complexe de significations qui imbibent, orientent et dirigent toute la
vie de la société considérée et les individus concrets qui,
corporellement, la constituent» (Castoriadis, 1986: 224). C'est ce
tissu que Castoriadis appelle le magma des significations imaginaires
sociales. Ces significations imaginaires sociales renvoient ici à des
notions telles que, esprits, dieux, tabou, péché qui nous paraissent
beaucoup sous un caractère religieux.
Dans le cadre de notre recherche, nous voulons étendre cette
conceptualisation en perspective avec les travaux de Jean-François
Bayart, André Corten et André Mary. Tous ses auteurs se sont aussi
inspirés de Cornélius Castoriadis pour qui, l’imaginaire productive
encore appelée imaginaire radical intègre non seulement le symbolique,
mais aussi ce que Castoriadis appelle l’imaginaire effectif, désignant
les dépassements, les déplacements, les écarts ou les glissements de
sens par rapport à la réalité. En effet, l’imaginaire radical désigne
pour cet auteur la « faculté originaire de poser ou de se donner,
sous le mode de la représentation, une chose et une relation qui ne
sont pas (et qui ne sont pas données dans la perspective) ou ne l’ont
jamais été ». Cette perspective parait correspondre au contexte
ivoirien où la totalité socio-historique, ainsi que le concept du
fétichisme économique rendent indécidable les limites entre le réel, le
symbolique et l’imaginaire. Toutefois, c’est à l’intérieur de
l’imaginaire social que tout se construit, y compris la façon de se
produit en représentation social ou la façon de manipuler les objets.
Ces objets que sont les fétiches semblent avoir des origines bien
lointaines, mais nous allons faire l’effort de structurer les
différentes apparitions dans le monde social ivoirien moderne après les
indépendances.
3. Archéologie socio-culturelle des dénominations urbaines du fétichisme moderne en Côte d’ivoire
Fondamentalement, les modalités d’usage du fétichisme n’ont pas
véritablement changé, c’est plutôt la dénomination qui a tendance à
s’identifier aux exigences de la modernité. Les dénominations qui ont
précédé le zamou se sont constituées au gré des variations des
contextes politiques, économiques et sociales.
3.1. Trajectoire socio-historique des dénominations du fétiche précédant le zamou
Les moments d’apparition des dénominations sociales du fétichisme
moderne dans le paysage social ivoirien présentent une certaine
complexité au niveau de leur fixation socio-temporaire. Mais ce qui
semble être précis, c’est la période d’apparition du langage
nouchi qui représente le marqueur social de l’existence
socio-culturelle du fétichisme moderne dans la mesure où c’est à
l’intérieur du langage nouchi que se sont construits ses différentes
dénominations sociales du fétichisme moderne et aussi l’actualisation
des croyances liées à ses effets psycho-sociaux et économiques.
Avant de se lancer dans l’analyse de ces concepts qui ont régulé la
visibilité du fétichisme urbain, il serait important de les
catégoriser. A travers nos données empiriques , il semble que l’on a
affaire à deux grands ensembles de concepts de fétichisme en Côte
d’Ivoire, à savoir ; la catégorie des Gbass et celle des Zamou
autrement dit, le système d’attachement traditionnel et le système
d’attachement moderne. Les composantes du concept Gbass sont entre
autres ; le gbé, le gbagbadji, le gbass 1, le djigbô, le gbass 2.
Concernant le concept du Zamou, nous avons entre autres ; ‘’le zamou
dozo, le zamou broutage, le zamou foot, le zamou musicale, le zamou
invisible et le zamou microbe. Nous allons essayer de poser une base
définitionnelle de ses différentes concepts connus des ivoiriens, tout
en les intégrant dans une dimension socio-historique.
3.1.1. Le système d’attachement traditionnel ou la catégorie des Gbass
Si nous partons du postulat de Durkheim selon lequel le modèle
religieux nait à l’intérieur d’une crise violente, de ce fait,
nous émettons l’hypothèse que la constitution des dénominations du
fétichisme moderne s’est produite à partir des crises politico-sociales
qui ont marqué la trajectoire historique de la Côte d’ivoire après les
indépendances. Les premières violences politiques se sont portées sur
la déconstruction des volontés sécessionnistes de certains groupes
ethniques hostiles à la politique houphouétiste . Les premiers révoltés
étaient les Agni du royaume Sanwi en 1963 . Mais, à travers les données
empiriques que nous disposions, nous avons constaté que la plupart des
dénominations attribuées aux pratiques fétichistes émanaient le plus
souvent d’une production langagière du groupe ethnoculturel ‘’Bété’’ .
Et ce qui semble concorder avec nos données, c’est la deuxième crise
politico-militaire exercée en territoire Guébié (sous-groupe des Bété)
en 1969 . Celle-ci se présente comme l’espace d’inventivité de la
première dénomination du fétichisme moderne dans la mesure où les
crises constituent le terreau favorable pour la fabrique des nouvelles
formes de talismans et gris-gris contre l’adversité concrète.
➢ La guerre du Guébié et la formation de la première dénomination du fétichisme moderne
Nous émettons l’hypothèse que cette violence politique a été
l’inventeur de la première dénomination du fétichisme moderne. Et ce
fétiche est dénommé le ‘’Gbé’’. Dans sa définition première, le
‘’Gbé’’ est le fétiche ayant les capacités réducteur des
contingences dans le cadre du football villageois. Signifiant ‘’une
personne qui était rempli’’ de puissance surnaturelle en ethnie Bété,
le ‘’Gbé’’ était perçu comme l’instrument magico-religieux efficace
pouvant contrôler la structure d’un match de football villageois. Mais,
son introduction dans la crise des Guébié a recomposé ses propriétés
mystiques, se reconstituant par la suite en un outil de protection
contre la violence politique instituée par l’armée gouvernementale
contre les membres du PANA (Parti National Africain). Celle-ci n’a fait
qu’une bouchée des membres du PANA dans cette région du centre
ouest de la Cote d’ivoire. Dans le prolongement de cette crise
politique, les déplacés de guerre déportèrent cette appellation du
fétichisme en zone urbaine. Etant une production rurale, le
‘’Gbé’’ se voit contester sa légitimité par une nouvelle dénomination
du fétiche construit en zone urbaine.
➢ Le miracle ivoirien des années 70 et l’émergence de la seconde dénomination du fétichisme moderne
Le progrès économique ivoirien des années 70 a engendré le déplacement
des populations des campagnes vers les villes en quête d’une vie
sophistiquée. Cet exode rural massif est absorbé par le filet de
parenté et le substrat communautaire. A l’intérieur de ces familles
d’accueil constituées se forment des relations d’inimitié entre les
individus. Relevant de l’imaginaire de réussite construit autour une
contrainte dialectique de sorcellerie/jalousie, les receveurs accusent
les arrivants ou les parents du village de sorcellerie. Nous assistons
à un transfèrement des dynamiques sociétales traditionnelles dans un
environnement progressivement moderne. En référence à la citation
communément administré dans des circonstances analogues, « c’est fer
qui coupe fer», les accusateurs mettent en place une pratique de
défense/attaque allant dans le même sens que la sorcellerie, mais
celle-ci est considérée comme une sorcellerie de bienfaisance pour les
initiateurs. C’est ainsi que le ‘’Gbagbadji’’ fait surface.
Ainsi, le ‘’Gbagbadji’’ apparait comme le premier fétiche de
l’ère moderne, un outil-fétiche déconstructeur de cette logique
dialectique consubstantielle (Jalousie/sorcellerie). Présentant un
caractère défensif au même titre que le ‘’Gbé’’, le ‘’Gbagbadji’’ est
également porté plus vers l’avant, orienté vers les forces de la
sorcellerie mesquine et sournoise. S’inscrivant dans une dynamique de
prospérité économique où la conception de la jalousie urbaine semblait
être à ses débuts de construction des relations sociales entre les
citadins, le ‘’Gbagbadji’’ apparait comme le fétiche-protecteur contre
les forces dites du mal, les forces jalousent de la réussite sociale
d’autrui. Au cours de sa trajectoire historique, le ‘’Gbagbadji’’ se
recompose progressivement pour donner naissance au ‘’Gbass 1’’.
Celui-ci prend pied dans une dynamique footballistique où la Côte
d’ivoire sera le pays organisateur de la prestigieuse compétition de
football en 1984 notamment la CAN (Coupe d’Afrique des Nations de
football).
➢ A l’intérieur du football moderne ivoirien, la constitution de la première version du ‘’Gbass’’
Les dynamiques autour du football ont toujours rimé avec les
manifestations des compétences du fétiche. L’institutionnalisation du
championnat ivoirien a simplement propulsé la visibilité des capacités
du fétichisme devant la scène internationale en légitimant sa
pratique. Le ‘’Gbass 1’’ apparait comme le premier fétiche à
s’introduire viscéralement dans les arcanes nationales du football
moderne. Perçu comme une version urbaine de la dimension première du
‘’Gbé’’, le ‘’Gbass 1’’ disposait d’une capacité à redéfinir la
trajectoire structurelle d’un match de football. Sur le plan
structurel, le ‘’gbass 1’’ influence les stratégies des
dirigeants des différentes équipes du championnat. Ces derniers
s’engageaient à employer des féticheurs-coach aux services de leur
club. Au-delà du staff managérial, le féticheur-coach apparaissait
comme le prévisionniste évènementiel et l’organisateur psychologique de
l’équipe. Celui-ci dicte les conduites des footballeurs et des
entraineurs (Komenan Kouakou ; 1985). De façon individuelle, les
footballeurs disposaient des ‘’gbass 1’’ provenant de leur féticheur
personnel (Komenan Kouakou ; 1985). En somme, l’ensemble de ces
dynamiques individuelles et collectives a contribué à l’élaboration des
effets du fétiche moderne et à l’élargissement de son champ d’action.
Initialement présenté comme un instrument porteur de confiance, le
fétichisme urbain continue sa couverture sociale en parachutant
littéralement dans les années 90 dans une sphère beaucoup plus
complexe, celle de la violence urbaine marqué par un contexte
social structuré autour du multipartisme. Du ‘’Gbass 1’’, on passe au
‘’Djigbô’’.
➢ De la loi du ‘’Digba’’ à la constitution du ‘’Djigbô’’ dans un contexte de multipartisme
Dès la période d’introduction massive des enfants dans le tissu
académique dans les années 80, l’espace scolaire se transforme en
espace de dispute d’intérêt et de confrontation d’idées entre les
enfants issus des espaces défavorisés. L’école leur fournit l’espace et
les moyens d’inventer des lois relatives à l’ordre constitutif du champ
hors-école. Les individus injectés par le système éducatif atterrirent
le plus souvent dans l’univers de la rue. En plus de la configuration
constituée autour de la débrouillardise des immigrés et de la violence
constituante, se forment des principes et règles de la rue réglés par
la ‘’loi du Digba’’. Celle-ci se présente comme la loi qui repose sur
la force physique, la loi du ghetto. De sa définition originelle,
le ‘’Digba’’ signifie en ‘’nouchi’’ la masse musculaire qui est
souvent corrélative à la force physique. Ainsi, pour contrôler les
espaces de rue, la nécessité du ‘’Digba’’ est de rigueur dans un
contexte de compétition entre gang. Les effets filmiques en
rapport avec la violence constituaient la source de recyclage des
comportements constitutifs à la violence urbaine. Parmi les films
présentés par la télévision nationale ivoirienne dans les années
90, un film à caractère bande-dessiné a marqué la conscience collective
des jeunes de cette époque, à savoir ‘’les défenseurs de la terre’’
. Ce programme a beaucoup influencé la perception globale des
jeunes en rapport avec l’usage de la force physique ou de la violence
dans la structuration des rapports entre individus. Dans cette
bande-dessinée, il y avait un personnage dénommé le ‘’fantôme’’ qui
avait cette tendance de recevoir ses puissances surnaturelles à travers
l’invocation systématique des incantations magiques . D’où, l’essence
du ‘’Djigbô’’ tire son origine historique dans ces effets filmiques.
L’action de réciter des paroles semblable au personnage ‘’fantôme’’ et
les effets magico-religieux qui s’en suivent enfantent
littéralement une pratique nouvelle du fétichisme moderne dans le
milieu de la délinquance juvénile. Cette pratique greffé aux croyances
anthropo-réligieuses formalisent et instituent le Djigbô. De sa
définition originelle issu du langage Bété , le ‘’Djigbô ’’ ou le
‘’Djigblô’’ signifie « que ma puissance vienne ». Assimilé au fétiche
de la bagarre, le ‘’Djigbô’’ apparut dans le creusé de la fin
1980 au début des années 1990 et trouve sa légitimité dans la nécessité
de domination intégrée dans la structure de luttes territoriales
instituées entre les jeunes des banlieues communément appelés les
loubards . Les composantes intégrées dans la structure de domination
reposent sur trois éléments, à savoir ; le potentiel musculaire ou le
Digba, la détermination du groupe de référence en quête d’identité
craintive et le ‘’Djigbô’’ comme fournisseur de confiance. La jonction
pragmatique du ‘’Djigbô’’ et ‘’Digba’’ semble être l’élément producteur
de violence et le facteur structurant la hiérarchie entre les
membres d’un même groupe, tenant en respect les groupes rivaux. Par
ailleurs, vu l’institutionnalisation des compétences de ses jeunes dans
une armé privée construit à dessein par le pouvoir Houphouétiste
pour museler l’opposition, le ‘’Djigbô’’ se recompose et se reconstitue
en une pratique nouvelle du fétichisme dans un environnement
socio-politique dominé par la lutte des héritiers Houphouétistes. Dans
cette perspective, il se produit la réémergence de la dénomination du
‘’Gbass’’ sous une forme secondaire au cœur d’un système social
fragilisé par les effets de la dévaluation du franc CFA en
janvier 1994.
➢ La stratégie du PADOM et la manifestation du ‘’gbass 2’’.
Initialement orienté spécialement dans le domaine du football, le gbass
1 redéfinit son champ d’action et démocratise son usage en empruntant
les propriétés mystiques du Djigbô, s’incarnant une décennie plus tard
en ‘’gbass 2’’. Incorporant les propriétés de ses prédécesseurs (le
Gbass 1 et le Djigbô), le gbass 2 se construit sur les fondations
d’une structure sociale forgée autour des crises multiples . Avec la
fragilisation des liens sociaux occasionnés par ses crises sociales à
répétition, le ‘’gbass 2’’ se propose comme le modèle du fétichisme
refondateur et réconciliateur des liens délétères. Et comme la mauvaise
gestion de la dévaluation de la monnaie du franc CFA a atteint le cœur
du système d’épargne familial et par extension le panier de la
ménagère, le pouvoir économique individuel se rétrécie, orientant les
hommes à développer une nouvelle stratégie socioéconomique que Francis
Akindès (2002) a dénommé le PADOM.
Définissant le programme d’ajustement domestique, le «PADOM» consiste à
s’attacher les services sentimentaux de plusieurs femmes esseulées mais
qui, en raison de leurs activités dans le secteur informel, sont
financièrement autonomes (Akindès, 2002). Pour l’homme, acteur
principal de ce «réseau», l’enjeu de ces relations amoureuses multiples
est de profiter des ressources des partenaires pour soutenir
financièrement son autorité paternelle, menacée dans le foyer principal
par l’érosion des revenus (Akindès, 2002). Dans ces relations
amoureuses opportunistes à enjeu économique, le principal critère de
choix des partenaires féminins est leur indépendance économique
(Akindès, 2002). A l’intérieur de ce système polygamique institué par
les hommes pour joindre les deux bouts, se construit une réponse au
niveau des femmes, dont l’objectif consiste à contrôler le mari qui
constitue la figure paternelle symbolisant une reconnaissance social
pour la ‘’femme au foyer’’ dans un environnement conservateur.
Donc, le gbass 2 se positionne comme l’outil de contrôle du système
matrimonial permettant de maitriser souterrainement la cellule
familiale. ‘’Attaché le mari en commun’’ pour soi devient le modèle
fétichiste par excellence pour les femmes inscrites dans ce système
polygamique. Dans cette dynamique sociale, la visibilité des effets du
Gbass 2 trouve son fondement dans la structure de réponses apportées
par femmes à l’intérieur de la stratégie socioéconomique des hommes
dans le nouveau modèle familial ivoirien constitué après la mauvaise
gestion des retombées bénéfiques de la dévaluation du franc CFA.
Le modèle du système d’attachement fétichiste précédant le Zamou prend
sa source dans le mode de fonctionnement du Gbass 2. C’est le modèle
achevé du système d’attachement fétichisme avant la pratique du Zamou.
Se définissant comme l’action de relier mystiquement deux individus
différents dans lequel l’individu demandeur contrôle subtilement
l’individu ciblé, le Gbass 2 fait le lit du zamou dans un contexte
social marqué par une compétition autour des ‘’hommes capables’’ (les
hommes qui ont un emploi socialement apprécié). Au-delà du PADOM, les
hommes préférant conserver leur statut monogamique, mettent en œuvre la
stratégie du deuxième bureau. Le deuxième bureau définit ‘’la copine’’
ou l’aman. Cette liaison extraconjugale est considérée comme le
prolongement d’un système polygamique inavoué mais illégitime. Dans ce
cas d’espèce, le gbass 2 redéfinit ses modalités d’usage compte tenu de
la distance géographique séparant les deux épouses en compétition.
Etant le sujet de convoitise et l’enjeu de cette compétition, le mari
est systématiquement ‘’attaché’’ par l’intermédiaire des effets du
gbass 2 par l’une des concurrentes parce que nous pouvons nous
retrouver dans une configuration où il y a ‘’plusieurs bureaux’’. Les
manifestations extérieurs du gbass 2 rendent compte des dynamiques
actuelles autour du zamou et de ses effets de croyances supranaturels.
Partant de son profil social global, la catégorie du ‘’Gbass’’ ou le
système d’attachement traditionnel représente ce système
d’attachement fétichiste où est construit un lien mystique reposant sur
une recette magico-religieux reliant une cible de son choix dont
l’objectif est de contrôler cette cible ou une situation contingente.
Au cours de sa trajectoire socio-historique en lien avec les exigences
de la modernité, une rupture s’opère dans les dynamiques d’usage et
dans l’essentialisation de la pratique fétichiste dans les domaines
d’activités pendant la décennie des années 2000. La dénomination
fétichiste de la catégorie du ‘’Gbass’’ se recompose en 2002 et se
constitue en se conceptualisant en zamou. Le mouvement dynamique de
recomposition et de reconstitution des concepts occultes marque une
rupture absolue dans l’inventivité des dénominations du fétichisme
moderne. Le contenu fonctionnel du système d’attachement du ‘’Gbass 2’’
est reversé dans le contenu mécanique de fonctionnement du zamou. Du
système familial au football en passant par la violence juvénile, le
fétichisme atterri systématiquement dans la longue période de crise
militaro-politique de 2002.
3.1.2. Le système d’attachement moderne ou la catégorie des Zamou
La crise socio-politique de 2002 a été le révélateur du zamou, nouvelle
dénomination du fétichisme. Les dozo constituent les vecteurs de cette
nouvelle pratique reposant sur l’invincibilité du porteur du zamou
caractérisé par sa capacité de se constituer en anti-balle. Par
ailleurs, force est de constater que la formation de cette nouvelle
dénomination du fétichisme s’est effectuée dans la capitale économique
ivoirienne à travers le langage populaire ivoirien.
• Archéologie du concept zamou
Le zamou est le signifiant d’une nouvelle dénomination du fétichisme
moderne et le produit d’une inventivité sociale formée à l’intérieur du
‘’nouchi’’ qui représente le langage populaire ivoirien. La formation
du concept de zamou apparait à partir d’une interprétation
marginalisante portée sur le fonctionnement de l’activité des «
pousseurs de charrette ». Cette activité informelle s’exerce par
l’action individuelle ou collective de transporter des marchandises à
l’aide d’une charrette communément appelés ‘’wotro’’ . Inventée par les
immigrés, « le poussage de wotro » ou le « wotrotiguisme » est
une activité informelle qui semble être pratiquée essentiellement par
ces derniers, en l’occurrence par les nigériens selon l’imagerie
populaire. Afin de venir à bout de ces énormes charges de marchandises,
les « pousseurs de wotro » s’arment d’amulettes et de gris-gris ayant
pour rôle de mobiliser des forces extérieurs s’incarnant en une
ressource additionnelle pouvant potentiellement contribuer à la
capitalisation d’un effort physique reél. Le port en permanence de ses
gris-gris perçu comme objet de démarcation sociale les singularise des
autres individus intégrés dans d’autres corps de métier liés à
l’informel. Ainsi, leur apparence physiologique régulièrement peu
soigné combinée à leur statut d’immigré génère, dans l’imaginaire
social, un sentiment dédaigneux vis-à-vis de cette activité moins
rémunératrice. A travers cette perception négationniste de ce travail
informel nécessitant la force physique, l’imaginaire productif
construit une représentation dévalorisante rebondissant sur les
caractéristiques socio-culturelles qui composent ses différents groupes
ethnoculturels immigrés (les bella, les Zarma, les bozo etc...).
➢ Le portrait socio-anthropologique du zamou
Parmi les groupes ethniques bien connus des populations du sud
ivoirien, nous avons les Bella et les Zarma identifiées
comme les immigrés exerçant cette activité de pousseur de wotro. Selon
la division du travail tacitement structurée par la politique
houphouetiste dans les années 60 et 70, le secteur public ou formel
était réservé aux ivoiriens et le secteur informel aux étrangers
génériquement appelé les Dioula (Barnegas, 2009). En les
incorporant au groupe Dioula génériquement construite par l’imaginaire
social des populations du sud, les zarma et les bella sont perçus comme
la composante qui s’adonne aux activités ultra dévalorisantes. Cette
image dévalorisante construit socialement redéfinit l’identité et le
statut de ses immigrés, reformulant du coup leur nom culturel
d’origine. Dans le souci de les cataloguer dans un système dénominatif
dégradant indiquant une catégorie sous-culturellement arriérée ou
dominée, l’imaginaire social invente un pseudonyme à la hauteur de
cette représentation précaire. On assiste à la déformation du nom
zarma, se transformant en concept ‘’zamlanhmlan’’. En Côte d’ivoire, le
zamlanhmlan représente tous les immigrés exerçant des activités
informelles franchissant la limite de l’inacceptable sociale.
Par ailleurs, dans une perspective particulière, l’imaginaire social
voit à travers la prononciation linguistique du nom bella, une
approximation sémantique définissant un état d’esprit particulier en
relation avec un écervelé, « ‘’une bête’’, un Bella ». Cette production
de l’imaginaire social repose sur l’interprétation liée aux efforts
surhumains que ces derniers déploient pour des rémunérations peu
conséquentes. Cette appellation dévalorisante émane d’une pensée
globalisée dans une Côte d’ivoire bâtie construit sous les
projecteurs de la prospérité économique des années 70.
S’adonner à ses activités du type informel était véritablement
humiliant pour un ivoirien dont la politique Houphouétiste avait fait
de lui, le modèle citoyen par excellence de la sous-région ouest
africaine. Ainsi, la construction linguistique du zamou découle de
cette configuration complexifiée des représentations sociales portée à
l’endroit des composantes constitutives des activités informelles.
La nouvelle dénomination du fétichisme moderne zamou provient du
glissement linguistique du concept du samou. Originellement,
l’expression ‘’samou’’ désigne les animaux chez les zarma. En effet,
force est de constater que le peuple zarma évolue dans un environnement
saharien marqué par la présence effective des animaux domestiques
composés en grande majorité des herbivores (chameau, mouton, bœuf,
etc…). Ainsi, le samou serait le brouteur d’herbe c’est-à-dire cet
animal domestique herbivore. A travers cette démonstration, nous
constatons que la notion du zamou dérive du glissement sémantique du
concept samou sur lequel les jeunes de la rue ont surfé en écorchant la
prononciation originelle. Du samou, on arrive au zamou. Comment cela
s’est-il opéré ?
Partant du principe initial selon lequel, le zamlanhmlan convoque les
compétences des gris-gris pour venir à bout de ses charges, le zamou
émerge de cette perception populaire en lien avec le port et les effets
du gris-gris. A y regarder de plus près, le préfixe « za » du
zamlanhmlan vient se positionner en avant en supprimant le préfixe « sa
» du samou et devient zamou. Se produisant à travers ce décalage
linguistique, le zamou constitue l’équivalent du brouteur. Donc
originellement, le zamou est le brouteur et le brouteur le zamou. L’un
dans l’autre s’emboitent et se dissocient à l’intérieur du ‘’nouchi’,’
produisant des significations et des représentations différenciées et
diffusées par l’imaginaire des jeunes de la rue en premier, relayés et
consommés par les populations ensuite.
De ce fait, le concept de zamou serait né aux alentours de l’année 2000
dans les espaces des gares dans la commune d’Adjamé , terreau
ancestral inventivité des vocabulaires populaires du ‘’Nouchi’. La
construction linguistique et sémantique du concept du zamou repose sur
la couche structurelle des pratiques fétichistes antérieures
recouvertes d’une dénomination étrangère réadaptée aux exigences du
regard extérieur des populations. S’érigeant en substrat constructeur
de confiance, le zamou serait le résultat d’un effet d’entrainement
socio-historique des recompositions des concepts fétichistes. A
l’instar du Garba qui est le nom attribué au couscous de manioc
fermenté considéré comme le plat national ivoirien, le zamou ressort de
ce même tempo culturel initié par les immigrés des pays de
l’hinterland. Avec la représentation métaphysique du médicament perçus
par les ivoiriens et qui est le propre du zamou, l’analyse de ce
dernier rend compte des dynamiques sociales et des représentations
objectives du phénomène de la cybercriminalité à l’ivoirienne.
3.1.3. Le zamou dans tous ses états
Le zamou dozo. La
crise politico-militaire de 2002 serait le laboratoire où ont été
conçus le modèle pratique du zamou et ses effets dynamiques. Il
triomphe de par son caractère efficace réglé par l’imaginaire des
dozos et relayés par certains membres des ex forces rebelles. La
représentation positive de sa trajectoire au cours de la crise de 2002
permet au ‘’zamou dozo’’ de rebondir dans le monde de la
cybercriminalité où il atteint le summum de sa trajectoire
célébrissime. Compte tenu des exigences de notre étude, nous allons
distinguer les différentes dénominations du zamou en les brodant au
secteur d’activité dans laquelle elles se meuvent, formule expressive
non utilisée dans le vocabulaire linguistique ivoirien.
Zamou broutage. La
crise politico-militaire de 2002 a favorisé l’implantation de la
cybercriminalité qui semble être la conséquence de deux évènements
superposés, à savoir ; la venue des cybercriminelles nigérians
autour de 2001 superposé à l’avènement de la mouvance musicale
afro-antillaise « coupé décalé » et ses corolaires liés aux pratiques
d’arnaques virtuelles du type cybercriminel patriotique en 2003.
Le broutage serait le cadre d’expression privilégié du zamou et serait
l’espace à l’intérieur duquel s’est structurée la visibilité et la
légitimité du zamou. Construisant une identité autour de la
codification de leur langage, les brouteurs puristes essaient
d’inventer périodiquement des expressions pouvant susciter la confusion
dans l’identification de la notion du zamou à travers leur discours. La
récente invention de la dénomination du zamou serait le z.
Zamou foot. La
société ivoirienne fait usage du concept du zamou en le plongeant dans
tous les domaines d’activité sociale possible, là où elle constate la
démarcation des compétences hors normes d’un individu doué ou
exceptionnel. Ainsi, l’imaginaire social introduit les compétences du
zamou dans le contexte footballistique où l’ascendance fulgurante de
l’international Didier Drogba dans les années 2004-2011 sera
interprétée comme l’impact des effets positifs d’un possible zamou que
ces parents lui auraient donné ou qu’il aurait confectionné. Donc, à
partir de ce fait, le ‘’zamou foot’’ prend son sens. Le ‘’Drogba
national’’ appelé affectueusement ‘’Gbagbadê’’ aurait lavé sa tête et
ses pieds avec une recette magico-religieuse. Et cette recette serait à
la base de son talent lié à ses jeux de tête et à sa capacité à scorer
des deux pieds. Lorsque nous nous referons à Marx et Godelier
(cité par Tanda ; 2003), le «dépassement» de l’homme ouvre sur des
systèmes symboliques: le mythe, la religion et, de manière plus
générale, l’idéologie et l’imaginaire. Cette analyse est plus explicite
chez Weber (cité par Tanda ; 2003), lorsqu’il constate que, ce qui
dépasse l’homme ordinaire s’incarne dans l’action extraordinaire,
c’est-à-dire magique , et, de manière plus générale, dans les actes
concrets des hommes «hors du commun».
Zamou musique.
L’industrie musicale ivoirienne a connu une profonde recomposition à
l’arrivée du coupe décalé en 2003, avec en toile de fond, l’émergence
d’une nouvelle catégorie d’artiste musiciens, en la personne des Disc
Jokers appelé communément les DJ. Parmi ses nouvelles espèces
d’artistes, Arafat DJ sera perçu comme le meilleur DJ de sa
génération. Atteignant le sommet de son art en 2008 avec ses tubes à
succès, Arafat DJ met en place une stratégie reposant sur
l’actualisation de son pseudonyme rythmé par la sortie de ses tubes
musicaux. Après Arafat DJ, il se fera appeler Yorobo. Considéré comme
le pseudonyme ayant participé activement à sa célébrité, le nom
‘’Yorobo’’ serait perçue comme la dénomination d’un village béninois
attribué à l’artiste en reconnaissance à la confection de son zamou
sans égal. Donc, l’imaginaire de réussite est présenté comme une
construction mystique basée sur un tissage de liens avec des forces
surnaturelles fondateur de cette réussite singulière. Ainsi, le zamou
musicale prend son sens à partir de l’éclosion de cette artiste ayant
des origines sociales modestes et se singularisant par ses déboires et
son comportement bad boy. Ainsi, cette représentation du zamou reste
présente dans la conscience collective jusqu’à ce que l’avènement de la
crise post-électorale en 2011 vienne changer le contenu de cette
représentation.
Zamou microbe.
Nouveau contexte, nouveau zamou. Les fétiches définissant le zamou
invisible sont mis à la disposition de tous les combattants, y compris
des adolescents. Sa particularité est de rendre invisible ses
combattants et décuplé leur capacité de violence face aux forces
gouvernementales et la révèle a été assuré par ses adolescents
porte-minutions pendant les situations de normalité. Ainsi, ces
adolescents ex combattants appelés désormais microbes s’appuient sur
leur fétiches-bague ou fétiches-bracelet appelé zamou-microbe pour
opérer sur les passants en bande organisée.
Annexes :
http://www.jeuneafrique.com/33653/politique/c-te-d-ivoire-la-police-appelle-ne-pas-lyncher-les-suspects-d-enl-vements-d-enfants/
Idem
Ibidem a affirmé lundi 2
février 2015 le ministre ivoirien Paul Koffi Koffi lors d’une
conférence de presse. Comprendre plus, cliquez sur ;
http://www.jeuneafrique.com/33884/politique/c-te-d-ivoire-que-sait-on-des-enl-vements-d-enfants/
Les autres cybercafés doivent
fermer leurs portes à 21h00, a ajouté l’ex ministre de la défense Paul
Koffi Koffi.
http://www.jeuneafrique.com/33884/politique/c-te-d-ivoire-que-sait-on-des-enl-vements-d-enfants/
Ces criminels ignobles,
nous allons tous les arrêter et les mettre en prison", avait affirmé la
ministre de l’Éducation Kandia Camara, reprenant à son compte les
accusations populaires .
http://www.jeuneafrique.com/33884/politique/c-te-d-ivoire-que-sait-on-des-enl-vements-d-enfants/
Idem
L’hebdomadaire africain,
Jeune-Afrique, a consacré un intéressant dossier à la question «La
sorcellerie au cœur du pouvoir», Jeune-Afrique, n° 2686 du 1er au 7
juillet 2012: 24-33 cité par Bony Guiblehon, in le marché des
révélations divines dans le contexte de crise politique en côte
d’ivoire, 2011.
Tonda cité par Le Monde (du
vendredi 24 décembre 1999: 8) en faisant référence à «L'enquête sur le
Temple solaire révèle le monde des sociétés secrètes», in Bony
Guiblehon, le marché des révélations divines dans le contexte de crise
politique en côte d’ivoire, 2011.
La pratique zamoustique est en
référence avec les tours de magie que les brouteurs mettent en scène
devant le grand public dans les espaces de production de visibilité
(boite de nuit, maquis etc.).
Comprendre plus, https://www.facebook.com/abidjanpub225/videos/vb.831419093589485/1078892822175443/?type=2&theater
A Bonoua, une ville située à
45 km d’Abidjan, il s’est produit le meurtre d’un enfant de 5 ans
orchestré par un adolescent supposé être un brouteur. Selon lui, il
aurait perpétré ce crime sous injonction d’un marabout en contre parti
d’une richesse à travers son activité cybercriminelle, le broutage.
Voir plus, cliquez sur ; https://www.youtube.com/watch?v=Dcz0AKY9xV8
Selon les expressions de Guiblehon, coach marabout, coach prophète, coach sorcier etc.
Les féticheurs du quartier ou de la ville d’Abidjan et ses péripéties.
Les femmes mariées ou en couple (concubinage).
Le donner, recevoir, rendre avec intérêt de Marcel Mauss.
Doug Saga est décédé le 12
octobre 2006 à Ouagadougou, au Burkina Faso dans des conditions
mystérieuses. A sa mort, plusieurs hypothèses ont été avancées. Ainsi
donc, des maladies comme la pneumonie atypique, le SIDA et autres
affections contagieuses ont été cités comme cause de son décès. Tandis
que d'autres personnes soutenaient, elles, la thèse du mysticisme. Pour
ces personnes, Doukouré ne serait pas mort d'une mort naturelle, car le
"boucantier" aurait vendu son âme au diable en pactisant avec un
marabout au Bénin. A les croire, Saga serait décédé trois années après
avoir réussi son pacte avec un marabout. Sacrifiant ainsi sa vie pour
trois années de bonheur. Trois années au cours desquelles il sera
envié, choyé et chéri par une armada de fans. Malheureusement, il nous
a quittés dans la fleur de l'âge. Cette hypothèse, ne serait pas à
négliger. Quand on sait que certains jeunes ivoiriens se sont
intéressés de près à la vie outrancière que menait le "boucantier".
Passage extrait du journal hebdomadaire ‘’Top visage’’, écrit par
Franck Hamilton;
http://scamaga.over-blog.com/pages/Lu_dans_la_presse_ivoirienne-1721604.html
Le nouchi est l’argot ivoirien
régulièrement parlé par les jeunes. Il a été inventé par des immigrés
guinéens du groupe ethnoculturel ‘’soussou’’ dans les années 80. Cette
catégorie d’immigrés a pu s’intégré grâce à la manipulation du
‘’dioula’’ la langue la plus parlée, associé au français, accompagnée
par leur langue d’origine ‘le soussou’’. C’est à la suite de cette
combinaison linguistique qu’est venu se greffer d’autres combinaisons
linguistiques issues du terreau local. Dans la définition étymologique
du Nouchi, nous avons deux syllabes, le « nou » et le « chi ». « Nou »,
en malinké (Dioula), signifie « le nez », tandis que « chi » veut dire
poil. Cela donne en un mot, « poil de nez » donc « moustache » pour
désigner le méchant, à qui tout le monde voulait ressembler vu que
c’est un langage qui a été initialement vulgarisé par les jeunes de la
rue. Un « nouchi », c’est un homme fort (notamment un ‘’chef bandit’’
mexicain des westerns qui est souvent un moustachu), craint de tous et
qui n’a peur de rien, ni de personne. Le nouchi a notamment été
popularisé par la chanson Premier gaou du groupe Magic System.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nouchi
Issu de notre mémoire de Master.
Felix Houphouët Boigny est le
premier président de la Cote d’ivoire. Sa politique était fondée sur la
continuation de la politique coloniale concernant celui de
l’intégration africaine. Cette politique coloniale renouvelée a suscité
des mécontentements au niveau des nationaux voyant celle-ci comme un
facteur réducteur d’opportunités.
Les Événements du Sanwi
se réfèrent à une tentative sécessionniste émanant d'une région située
à l'est de la Côte d'Ivoire, le Royaume du Sanwi, visant à faire
sécession vis-à-vis de l'État ivoirien en 1969. Ils se réfèrent
également à la répression de cette initiative.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ev%C3%A8nements_du_Sanwi
Les Bétés sont un groupe ethnique provenant de groupe Krou. Ils sont situé au centre-ouest de la Cote d’Ivoire.
En 1970, dans le Guébié, un
canton situé à l'ouest de la Côte d'Ivoire, près de la ville de Gagnoa,
une révolte émerge en réponse à l'interdiction de la mise en place d'un
nouveau parti politique, le PANA (Parti National Africain). Considéré
comme un affront par la classe politique gouvernante, cette initiative
politique a été sévèrement réprimée et aurait fait environ 4 000 morts
(bilan sujet à controverses). Le 26 octobre 1970, un étudiant de
l'ethnie bété, Kragbé Gnagbé, créateur de ce nouveau parti, avec
quelques centaines de paysans, vont occuper Gagnoa, capitale régionale,
et proclamer une République d’Éburnie. Kragbé Gnagbé sera mortellement
blessé dans les affrontements qui suivront. Après ces évènements, on
n’entendra plus parlé de lui. Comprendre plus, cliquez sur ;
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89v%C3%A9nements_du_Gu%C3%A9bi%C3%A9
Aujourd’hui, dans le langage
nouchi, Gbé signifie’’ être rassasié’’. Littéralement cela
s’emploie comme suite ; je suis gbé, traduction : je suis rassasié ou
je suis remplir de pouvoir surnaturel ou je suis un dur.
Selon Samba Diakité, dans son œuvre, les faux complots de Houphouët, il aurait eu 4000 morts lors de la guerre des Guébié.
Le «PADOM», programme
d’ajustement domestique, comme on appelle dans le milieu des
fonctionnaires ce partenariat amoureux multiple (Akindès, 2002).
Cette expression communément employé par les ivoiriens définit la femme concubine ou mariée traditionnellement ou modernement.
Wotro désigne un véhicule en Dioula, groupe ethnique situé au nord de la Côte d’ivoire.
Wotro-tigui définit
l’individu qui exerce le métier de poussage de wotro. Ainsi le
wotrotiguisme est cette activité informelle en question.
Les Bella (Bella ou
bela en songhaï, Bouzou en haoussa, Ikelan en tamasheq) sont un groupe
ethnique ou une caste issu du statut servile dans la société touareg.
Selon Edmond Bernus, géographe et spécialiste des Touaregs, les notions
de castes et d'ethnies ne sont que des catégories ethnologiques
imparfaites pour décrire cette population et il est difficile de leur
attribuer de façon nette l'une des deux définitions. Affranchis depuis
l'époque coloniale, les Bella sont parfois encore victimes d'esclavage
au Mali et au Niger, sans qu'il existe de statistiques à ce sujet.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bella_(peuple)
Les zarmas sont
génériquement dénommé en Côte d’ivoire les zamlanhmlan. Les Zarmas sont
une population d'Afrique de l'Ouest, vivant essentiellement au Niger –
où ils représentent 28 % de la population –, et d'une façon minoritaire
au Nigeria, au Bénin, au Ghana et au Burkina Faso. Ils font partie du
groupe Songhaï. Leur organisation sociale est basée sur un système de
transport des objets lourds par les femmes.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Zarmas
Les Dioula sont situés dans le Nord de la Cote d’Ivoire. Avant la colonisation française,
Adjamé est l’une des
communes d’Abidjan, capitale économique de Côte d’Ivoire. Cette commune
est l’espace central du commerce à outrance.
Garba est l’inventeur
de la recette alimentaire constituée de couscous de manioc fomenté
communément appelé « attiéké » combiné au poisson thon fris. Devenu le
plat national, le nom Garba a été attribué à cette recette en
reconnaissance à son invention alimentaire. Le nom Garba est d’origine
nigérien.
Une chanson et une
danse illustrant la pratique du zamou a été mise en œuvre par un
artiste musicien ivoirien. Voir plus, cliquez sur
https://www.youtube.com/watch?v=iVt33FGjCgw
Les dozo sont les chasseurs traditionnels.
La philosophie première
du coupé décalé était d’apporter la ‘’joie dans le cœur des ivoiriens’’
selon les paroles de la première chanson de Doug Saga. Mais une chose
est certaine, c’est que Doug Saga a atterrie avec son mouvement musical
dans la capitale du sud du pays vu la partition territorialisée. Le
coupé décalé s’inscrit dans une logique patriotique du fait qu’il se
glisse dans le moule de la logique du régime du sud. Comprendre plus,
voir A Kamaté (2006) cité par Richard BANEGAS, Côte d’Ivoire : une
guerre de la seconde indépendance, Refonder la coopération française
sur les brisées du legs colonial. (Université Paris I). Ainsi ces
pratiques cybercriminelles qui font vivre cette tendance musicale vont
s’identifier à la logique anticolonialiste.
«Il faut des
circonstances très particulières pour qu’un prophète puisse faire
reconnaître son autorité sans recourir à une authentification
charismatique, c’est-à-dire magique.»M.Weber, Économie et société, op.
cit., p. 465
Une trajectoire tumultueuse marquée par
Il remporte beaucoup de prix nationaux et continentaux.
19 Septembre
2016
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