La défense de la diversité culturelle fédère
et élargit la communauté francophone
Par Claire
Tréan
Comme chaque année, la Journée internationale
de la francophonie donne lieu, dimanche 20 mars, à
de multiples manifestations sur les cinq continents. En France,
dans les pays de langue officielle française, mais
aussi dans les métropoles anglophones, du Canada à
l'Australie, dans des capitales d'Asie, de Berlin à
Athènes ou à Varsovie, de très nombreux
spectacles, débats, événements audiovisuels
sont proposés par les centres culturels français,
les Alliances françaises, les médias francophones,
l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), ou
sont organisés à l'initiative de personnalités
et d'associations locales. Dans certains cas, la fête
de la francophonie prend les allures d'un festival étalé
sur une ou plusieurs semaines. Pour ne citer que quelques
exemples : New York accueille une quarantaine de manifestations
culturelles pendant tout le mois de mars ; une "Semaine
de la francophonie" donne lieu, dans les principales
villes de Pologne, à des événements allant
du cinéma au karaoké ; au Mexique, la "Primavera
de la francofonia" (le Printemps de la francophonie)
durera jusqu'au mois de juin. C'est dire que la francophonie
se fait entendre, ces jours-ci, bien au-delà des pays
d'expression française.
L'Organisation internationale de la francophonie
(OIF), que préside le Sénégalais Abdou
Diouf, ne compte, parmi ses 63 pays membres, qu'une minorité
d'Etats où l'usage du français est dominant.
L'un des premiers buts de l'Organisation reste bien sûr
de promouvoir la diffusion de cette langue, non plus - depuis
longtemps - au nom d'un combat d'arrière-garde contre
l'anglais, mais dans une optique de défense du plurilinguisme
et de la diversité culturelle.
RELAIS DIPLOMATIQUE
Sur cet aspect des choses, les résultats sont mitigés,
comme le montre le rapport que réalise, tous les deux
ans, le Haut Conseil de la francophonie. Le nombre de francophones
(au total 175 millions de personnes) "est en augmentation,
d'une façon générale, en Afrique subsaharienne
et dans l'océan Indien, et en baisse dans les Caraïbes,
notamment en Haïti" , estime ce rapport. "L'enseignement
du français progresse sur le continent africain et
au Moyen-Orient, mais stagne dans les autres régions
du monde" , indique-t-il encore, en maniant les chiffres
avec prudence. Dans certains pays, cet enseignement s'effondre
; son recul en Europe, notamment, ne cesse pas d'inquiéter.
Mais la promotion du français n'est pas l'unique objet
de l'OIF ni n'explique pourquoi tant d'Etats se pressent pour
y adhérer. Lors de son dernier sommet, à Ouagadougou,
en novembre, cinq nouveaux pays ont franchi la première
étape vers l'adhésion de plein droit en devenant
"observateurs" (Arménie, Croatie, Autriche,
Géorgie, Hongrie), tandis que la Grèce et Andorre
franchissaient la seconde étape, celle de "membres
associés". Pour ces pays et tous ceux qui l'ont
rejointe avant eux, l'OIF est non seulement un espace de concertation,
mais un relais diplomatique, une des voies de l'intégration
dans le concert des nations. Elle est surtout devenue un groupe
de plus en plus affirmé politiquement sur la scène
internationale.
Sur son terrain d'origine, celui de l'Afrique francophone,
l'intervention de l'OIF dans la crise ouverte, au Togo, à
la mort du président Eyadéma Gnassingbé,
le 5 février, a marqué un tournant. Au nom des
principes dont s'est dotée l'OIF, en 2000, dans sa
"déclaration de Bamako" sur le respect de
l'Etat de droit, Abdou Diouf a condamné le coup d'Etat
de Faure Gnassingbé et de l'armée avec une rapidité
et une fermeté qui ont été déterminantes
dans la formation d'un consensus international. Cette fermeté
a entraîné non seulement les pays africains,
mais aussi l'Elysée, d'habitude plus enclin, en ce
genre de circonstances, à temporiser qu'à condamner.
Mais le grand cheval de bataille de l'OIF, c'est la défense
de la diversité culturelle. Elle commence en 1993,
au sommet francophone de l'île Maurice, lorsque les
Etats membres font leur ce combat que la France, jusque-là,
menait de façon assez solitaire. Cette cause ne va
plus cesser de faire des adeptes, bien au-delà du champ
de la francophonie. En 2004, la francophonie saisit l'Unesco
de la nécessité de doter la communauté
internationale d'une convention qui protège les productions
et les échanges culturels des seules lois du marché
et les fasse échapper aux mesures de libéralisation
du commerce mondial.
BATAILLE ACHARNÉE
Dans ce combat qui l'oppose, au premier chef,
aux Etats-Unis, l'OIF va être progressivement rejointe
par les ensembles hispanophone et lusophone, par de grands
pays du Commonwealth autres que le Canada, comme l'Inde, et
des Africains anglophones, par l'ensemble de l'Union européenne,
où cèdent les résistances britannique
et espagnole, par la Chine et par d'autres. Les Américains
poursuivent, à l'Unesco et dans leurs relations bilatérales,
une bataille contre ce projet de convention sur la diversité
culturelle aussi acharnée que celle qu'ils mènent
contre la Cour pénale internationale (CPI). L'objectif
des promoteurs de la convention est de la faire adopter à
l'automne.
L'Organisation internationale de la francophonie
prépare, d'autre part, une refonte de ses structures
pour les rendre plus rationnelles, plus visibles et plus compréhensibles,
aux Français notamment. Cette réforme devrait
être mise en œuvre en 2006, au moment de l'installation
dans un nouveau siège, avenue de Saxe, à Paris,
et au moment du lancement, en France, d'un grand festival
des cultures francophones. Bref, la francophonie fait peau
neuve et se sent le vent en poupe.
Claire Tréan
Février
2005
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Deux grands pays francophones manquent
encore à l'Organisation internationale de la francophonie
(OIF). L'Algérie d'abord, qui, au moment de la création
de cet ensemble, y voyait un prolongement du colonialisme
français. Lavision du président Abdelaziz Bouteflika
n'est plus celle-là. Il se rapproche progressivement
de l'OIF, participe désormais à ses sommets
en tant qu'invité, mais n'a pas encore franchi le pas
de l'adhésion.Une autre absence remarquée est
celle d'Israël, pays où un million de personnes
sont de langue française. Le Liban s'est jusqu'ici
déclaré opposé à une éventuelle
adhésion de l'Etat d'Israël, et celui-ci n'a pas
fait acte de candidature. Lors de sa visite à Jérusalem,
mardi 15 mars, le premier ministre, Jean-Pierre Raffarin,
a souhaité que ce pays soit admis "dès
que possible" à l'OIF.
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