Réforme n°1 pour changer d'ère: un vrai budget pour une Europe plus fédérale
Par Béatrice Mathieu
Si
un saut fédéral à l'américaine semble impossible dans l'Union
européenne, un fédéralisme de nécessité basé sur des projets est en
revanche impératif.
Le
rêve d'une Europe fédérale s'est définitivement envolé dans la nuit du
7 au 8 février 2013. A l'aube, les yeux lourds de sommeil et la face
pâle, Herman Van Rompuy, alors président du Conseil, lance devant un
parterre de journalistes médusés: "C'est un bon budget. Il n'est
parfait pour personne, mais il y en aura pour tous."
Pendant huit mois, les dirigeants européens et leur armée de
conseillers ont négocié, parlementé, menacé, chicané sur le moindre
centime pour bâtir un budget pour les années 2014-2020. Huit longs mois
de tractations qui illustrent à merveille les égoïsmes nationaux. Le
résultat est à la hauteur de la déception.
Pour sortir l'Europe de la crise, lutter contre le chômage, soutenir
l'innovation et la recherche, améliorer la compétitivité, les 28
membres de l'Union européenne se sont mis d'accord sur un budget pour
les six ans à venir de 900 milliards d'euros (moins de 1% du PIB
communautaire), une enveloppe en baisse de 3% par rapport à celle
dégagée sur la période 2007-2013.
>> Notre dossier: Europe, tout est à rebatir!
"Un montant nettement insuffisant. Les dépenses pour renforcer la
compétitivité et l'innovation font tout juste 9% du budget, soit moins
de 1 %0 du PIB européen", déplore l'économiste Michel Aglietta. Quant à
un mécanisme automatique de redistribution et de stabilisation
budgétaire propre à la zone euro, il n'a même pas vu le jour, malgré
les crises à répétition. Pourtant, dès 1977, le rapport MacDougall
suggérait la mise en place d'un budget de 5 à 7% du PIB pour assurer la
pérennité de la monnaie unique. Alors maintenant, que faire pour tout
changer ?
Produire des biens publics à l'échelle européenne
Cessons d'abord de fantasmer sur un budget fédéral à l'américaine.
"Impossible de changer le système de financement du budget, car la
nécessité d'un vote à l'unanimité bloque tout", regrette Eulalia Rubio,
de l'institut Notre Europe. "Il faut reconstruire une politique
européenne fédérale en incarnant des projets, en produisant des biens
publics au niveau communautaire qui ne sont pas ou alors mal fournis au
niveau de chaque pays", explique Xavier Timbeau, directeur à l'OFCE. En
clair, construire un fédéralisme de nécessité.
Un bon exemple: la politique migratoire. "La question de l'accueil des
migrants doit être gérée au niveau européen en y fléchant des
ressources. C'est la multiplication d'embryons de fédéralisme qui
remettra l'Europe en branle", poursuit Xavier Timbeau. Les sujets ne
manquent pas: migration, terrorisme, sécurité, recherche, université...
Il est même possible d'envisager une sorte de fonctionnement à la
carte. "Participe qui veut en fonction des projets décidés", renchérit
l'économiste Jacques Delpla.
Au niveau de la zone euro, un système d'assurance-chômage pourrait être
le maillon manquant en termes de stabilisation budgétaire: un pays
subissant une crise recevrait pendant un temps limité des transferts au
titre de l'indemnisation du chômage pour limiter les effets récessifs
sur la croissance et les comptes publics, et ces transferts seraient
alimentés par des contributions de tous les membres.
"Et pourquoi pas une assurance-chômage européenne complémentaire à
l'assurance nationale? Le pilier européen prendrait alors en charge une
assurance de base pendant une durée définie, et le pilier national le
compléterait pour augmenter l'indemnité de remplacement", détaille
Agnès Bénassy-Quéré, du Conseil d'analyse économique. Un premier pas
vers une harmonisation des marchés du travail dans la zone euro.
Réforme n°2 pour changer d'ère: les dettes européennes dans un pot commun
La centralisation des dettes européennes permettrait de "casser le lien
entre crise de la dette publique et panique bancaire", explique Agnès
Bénassy-Quéré, présidente du Conseil d'analyse économique.
Réforme n°3 pour changer d'ère: compléter les critères de Maastricht
Des
élus et des économistes veulent ajouter des normes sociales,
écologiques et fiscales aux célèbres règles budgétaires non appliquées
par les trois quarts des pays.
12 Septembre 2015
Abonnez-Vous à l'Expansion
Retour à l'Europe
Retour au sommaire
|