Réforme n°3 pour changer d'ère: compléter les critères de Maastricht
Par Franck Dedieu
Des
élus et des économistes veulent ajouter des normes sociales,
écologiques et fiscales aux célèbres règles budgétaires non appliquées
par les trois quarts des pays.
Encore
la faute aux Français! Ou plutôt à l'un d'entre eux, un certain Guy
Abeille, inventeur du fameux plafond des "3% de déficit public",
désormais coulé dans le marbre - ou le béton! - du traité de
Maastricht. Cet économiste du ministère des Finances, sollicité au tout
début des années 80 par François Mitterrand pour calmer l'ardeur
dépensière de ses ministres, conçut cette règle budgétaire sur un coin
de table avec en tête, selon une légende plus ou moins urbaine, l'idée
de la Sainte Trinité...
Et aujourd'hui, le critère des "3%" et son corollaire, le plafond des
"60%" de dettes publiques au regard du PIB, se retrouvent élevés au
rang de dogme dans la liturgie européenne. Avec cette caractéristique
propre à chaque credo: tout le monde les récite, mais personne ne les
respecte.
Sur la foi des prévisions données à la Commission européenne par les
dix-neuf Etats membres de la zone euro pour l'année 2015, seuls cinq
sur dix-neuf - essentiellement les pays Baltes - respectent les
critères des déficits et celui de la dette. Autrement dit, les trois
quarts y contreviennent. Même la vertueuse Allemagne dépasse la borne
de la dette avec ses 72% de passif comparé à son PIB.
Les améliorer plutôt que les faire sauter
Un constat accablant. Et une question évidente: à quoi bon conserver
ces critères piétinés depuis de longues années? " Ils montrent un
chemin économique, évitent de trop grandes divergences entre pays, et
imposent une discipline commune", répond un expert de la Commission. Et
d'ailleurs, à part quelques jusqu'au-boutistes eurosceptiques, personne
ne songe à les faire sauter purement et simplement. En revanche, de
plus en plus d'élus phosphorent, non pour les remplacer, mais pour les
compléter. Et là, chacun y va de ses propositions.
Pierre Larrouturou, créateur du parti Nouvelle Donne, s'affirme comme
le plus "normatif", avec cinq critères très précis à respecter sous
peine de sanctions: la limite des "3%" apparaît, mais pour fixer le
ratio maximal des mal-logés ou le taux d'illettrisme. Le taux de
chômage et de pauvreté ne pourrait pas dépasser les 5%. "Ces critères
sociaux ont reçu, en 2004, l'approbation de Jacques Delors, de José
Bové ou de Mgr Ricard, signataires d'un texte. La crise offre
l'occasion de le ressortir pour un nouveau traité", plaide-t-il.
Des normes sur les salaires difficiles à imposer
En bon écolo, le député européen vert de la Belgique francophone,
Philippe Lamberts, milite lui pour ajouter, en sus des critères
sociaux, des objectifs de réduction de CO2 modulables selon les pays.
"Au fond, la politique européenne consisterait à faire des arbitrages
fins entre des références sociales, budgétaires et écologiques",
explique-t-il, enthousiaste.
Mais, comme d'habitude en matière européenne, il suffit de questionner
un fonctionnaire européen et un économiste bruxellois pour dégriser les
esprits. "Un Etat peut se fixer des contraintes budgétaires, mais
comment lui imposer des normes sur les salaires ou sur le taux de
chômage qui relèvent du secteur privé?" refroidit Guntram Wolff, le
directeur du think tank Bruegel.
Un expert de la Commission ouvre tout de même une étroite piste: "Les
Etats peuvent s'entendre en revanche pour introduire des critères
fiscaux dans ceux de Maastricht. Par exemple, l'impôt sur les sociétés
ne pourrait dépasser le plafond de 30% ni descendre sous le plancher
des 20%. Techniquement complexe, mais économiquement crédible." Et
politiquement?
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12 Septembre 2015
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