Quand
Jeanneney défie Google
Par Frédérique ROUSSEL
Le président de la Bibliothèque
nationale de France développe dans un livre le thème
de son article du «Monde», «Quand Google défie
l'Europe», texte qui a mis le feu aux poudres.
Titré comme sa tribune dans «Le Monde» du 22
janvier 2005, «Quand Google défie l'Europe» (1),
le livre de Jean-Noël Jeanneney, le président de la
BNF, publié le 27 avril, est destiné à alimenter
le débat sur la bibliothèque virtuelle. L'annonce
de Google, le 14 décembre 2004, de numériser 15 millions
de livres a été un « choc stimulant ».
Retour d'un vieux rêve mais «surgissait dans le même
temps une inquiétude irrépressible». Ce n'est
pas une guerre: «Il ne s'agissait pas de s'en prendre à
ce moteur, ni de lui faire aucun procès d'intention»,
«il s'agissait de secouer notre éventuelle passivité
en face d'un défi de pareille dimension».
Inquiet de la hiérarchie des ouvrages qui seront proposés
par Google Print, du poids de la publicité tout en énumérant
les multiples initiatives existantes, Jeanneney s'interroge sur
la réponse à apporter. Soulignant « l'urgence
d'un puissant effort de numérisation par l'Europe»,
il ne voit pas «comment faire l'économie d'un puissant
effort financier sur fonds publics». Quelle forme prendra
l'alternative européenne? «Faut-il que l'Europe mette
sur pied son propre moteur de recherche –ou plusieurs–
qui lui permette, à l'échelle planétaire, de
s'assurer que perdure une concurrence dans ce domaine capital? Ou
bien doit-elle aspirer seulement à un puissant effort de
numérisation qui lui donne la possibilité de poser
ses conditions en y entrant?»
La question est ouverte...
Mai 2005
Entretien
Google
plaide non coupable
Par Frédérique ROUSSEL
Le projet Google Print, qui vise
à numériser 15 millions de livres issus de bibliothèques
américaines, effraie bon nombre d'Européens •
Réponse du patron de Google Europe: «il nous faut travailler
ensemble»
Après l'annonce du projet Google de
numériser 15 millions de livres et la polémique qui
a suivi, les Rencontres pour l'Europe de la culture ont décidé
d'évoquer un contre-feu européen, et dix–neuf
bibliothèques nationales européennes viennent de signer
une motion pour une initiative commune sur la numérisation
de livres.
Entretien avec Nikesh Arora, responsable de
Google pour l'Europe.
Comment envisagez-vous ces «contre-offensives
»?
Ces initiatives ne représentent pas une concurrence pour
nous. Au contraire, nous pensons qu'il nous faut travailler ensemble.
Il y a des millions de livres dans le monde à rendre accessible.
Google peut apporter son expertise technologique, ses avancées,
son expérience. Nous avons entamé des discussions
avec les bibliothèques et les éditeurs de différents
pays d'Europe pour leur proposer de numériser leur contenu
pour le mettre à disposition du plus grand nombre. Notre
volonté est de collaborer.
Avez-vous été surpris
par la controverse qui est née en France?
Nous n'avons pas eu l'intention de choquer ou de provoquer une polémique.
Mais c'est finalement une surprise positive de voir l'énergie
et l'enthousiasme que ce sujet provoque. D'autant que cela joue
en faveur d'une avancée plus rapide de la numérisation
de livres. Nous n'avons jamais prétendu être les seuls
acteurs d'un tel projet. C'est pourquoi nous souhaitons nouer des
partenariats, notamment avec la BNF.
Avez-vous rencontré son président,
Jean-Noël Jeanneney, ou en est-il question?
Sans commentaires.
Jean-Noël Jeanneney craint notamment
que le projet Google donne un contenu à dominante américaine.
Qu'en pensez-vous?
C'est un malentendu. Même si Google a vu le jour aux Etats-Unis,
nous existons aujourd'hui dans beaucoup d'autres pays. En France,
nous avons des bureaux, proposons des offres nationales spécifiques,
et détenons 50% du marché. Notre objectif n'est pas
de proposer une offre majoritairement américaine, mais le
choix le plus large possible aux internautes.
On craint aussi beaucoup le contrôle du patrimoine écrit
par une entreprise privée…
Les éditeurs aussi sont des
acteurs privés qui gagnent de l'argent en valorisant le travail
de leurs auteurs. Ne craignez-vous pas la montée d'un mouvement
anti-Google?
Les utilisateurs de Google votent avec les doigts, sur leur clavier.
Et nous avons aujourd'hui 75% d'internautes qui utilisent notre
moteur de recherche! De toute façon, nous n'avons aucun intérêt
à soulever des polémiques ou à exprimer des
considérations politiques. Notre mission est seulement de
rendre service.
Le 27 avril s'est tenue une réunion d'information entre Google
Print et des éditeurs français. Ceux-ci sont majoritairement
réservés à l'égard du projet Google.
Ils craignent le piratage, comme dans la musique.
C'est compliqué de pirater des livres. Pour la musique, ça
ne coûte rien, juste un CD qu'il faut insérer dans
l'odinateur avant de copier. Un livre, il faut l'imprimer, et imprimer
600 pages chez soi n'est à mon avis pas plus rentable que
d'acheter le livre. De toute façon, nous mettons pas en accès
des livres sous copyright. Les internautes ne peuvent en lire que
quelques pages et ils sont ensuite orientés vers des librairies
en ligne s'ils souhaitent les acquérir. Nous menons actuellement
un gros travail d'explication auprès des éditeurs
pour leur faire comprendre qu'il n'y a aucun danger à rentrer
dans Google Print et qu'ils conservent le contrôle de leur
contenu. Autant qu'ils se fassent un jugement sur des faits.
L'Europe
en ligne pour sa bibliothèque
La
nécessaire création d'une bibliothèque virtuelle
européenne
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