Gouvernance et Mondialisation




La réforme des institutions internationales est le chantier le plus important du XXIe siècle...

Marisol Touraine introduit les débats dont elle rappelle qu'ils n'ont que trop rarement lieu dans le cadre universitaire. Elle accueille Kemal Dervis, parmi nous après son passage à la Banque Mondiale. Il est chercheur, spécialisé autour des questions de la globalisation et de pauvreté dans le monde. Il a beaucoup écrit sur le sujet, et va nous présenter sa vision des réformes actuelles. Daniel Cohen, célèbre économiste, chercheur de l'Ecole Normale Supérieure interviendra lui aussi sur le sujet et Bernard Soulage, vice-président de la région Rhône-Alpes, conclura. Tous deux animeront la rencontre. Elle résume l'action d'A Gauche en Europe, avec des débats à venir sur l'Urbanisation avec Michel Collomb et le Développement avec Michel Rocard, après des champs couverts dans le domaine des nouvelles inégalités, l'éducation et les relations transatlantiques.

Le débat porte sur la question des règles nécessaires à organiser les rapports politiques internationaux et cela n'a de sens que sous l'angle d'une acceptation des peuples, donc de la légitimité des institutions et des règles politiques qui seront mises en place.

Le mot de "gouvernance" n'a malheureusement pas d'équivalent, alors qu'il est traduit du franglais, tant il est pratique et utilisé dans les rapports entre les puissances.

Le rôle des opinions publiques est fondamental pour faire évoluer les notions internationales, comme cela a été le cas pour le projet de Devoir d'Ingérence et de droit humanitaire tel qu'il a été porté par Bernard Kouchner. Ces notions, vont souvent, effet, à l'encontre des principes et règles traditionnelles au plan international. La question démocratique et économique tend à prendre du sens. Comment cette globalisation peut elle être canalisée pour apporter de la démocratie et du développement, y compris pour les zones qui échappent aux grands circuits économiques ? Les questions de santé et d'environnement sont liées.

L'exemple du Sida en Inde laisse penser que des risques réels existent. C'est pourquoi un gouvernement mondial, du moins des institutions au plan mondial pour régler les rapports internationaux.

Kemal Dervis



L'organisation de la planète est, selon Michel Rocard, le grand chantier du XXIème siècle. Mais pour l'instant les actions entreprises à cette échelle n'ont pas donné les résultats escomptés. Il y a rarement de freins aux puissances traditionnelles. Les crises, le commerce international, par exemple, sur des domaines également hors-marché, les biens publics de l'humanité, en sont des illustrations souvent criantes.

Il s'agit de bien définir l'articulation entre la gouvernance mondiale et les institutions locales. L'exemple européen est à ce titre éclairant : tout l'enjeu est est d'arriver à rendre légitime des mécanismes démocratiques qui ne se déterminent pas uniquement en termes nationaux. Pour progresser, nous n'avons pas besoin dans des forums comme Davos, mais plutôt d'aller vers des organisations. Cela demeure indispensable. Il en va de la capacité de la puissance publique à améliorer ce que produit le marché, qui dépasse y compris les tailles régionales.

Les échanges internationaux étaient déjà très importants avant les deux premières guerres mondiales qui ont provoqué un effondrement, mais ils n'avaient jamais atteint les niveaux actuels. Le système industriel mondial est très intégré dans la mesure où il crée plus de 50% du PIB mondial (exemple des rapports du coton turc et américain). En France, par exemple, on note aussi que plus de la moitié des lois sont d'origine communautaire. Dans les autres pays, les interactions sont importantes avec les organismes issus de Bretton Woods ou la Banque Mondiale, etc...

Il faut remarquer que malgré ces règles déterminées au plan mondial, le visage que prend la politique demeure très local. Cela pose la question de l'emprise de la politique sur la situation mondiale. Il s'agit de penser la politique au delà des partis et des parlements en s'appuyant sur la société civile internationale.

Cette vision est moderne et elle présente une part de vérité. L'exemple du combat pour l'annulation de la dette des pays pauvres est à ce titre éclairant. Mais il ne faut pas non plus tout miser sur cette approche. La société civile n'a pas la même la même légitimité démocratique que les votes qui s'expriment individuellement au niveau des états nations dont la collaboration accrue devient urgente.

Le projet de Michel Rocard paraissait utopique, or il prend lentement corps sous la triple exigence de démocratie, d'efficacité et de légitimité. Comment reformer l'architecture internationale pour que cette coopération mondiale soit mieux perçue ? Les Nations Unies paraissent être le cadre le plus indiqué et le plus légitime. Comment entreprendre cette réforme sans aller jusqu'au gouvernement mondial, bureaucratique et pesant ? Kofi Annan a fait des propositions intéressantes en ce sens.

Le conseil de sécurité est l'outil exécutif, la vraie force de décision de cette architecture, avec le droit de veto comme base de définition du système. Mais celui-ci ne reflète plus la situation actuelle (La demande faite à la France de renoncer à son siège est à ce titre surprenante, les positions des autres devant être renforcées sans remettre en cause l'existence de sièges déjà attribués. NDLR).

Il y a deux plans, deux propositions : Le premier voit de nouveaux sièges permanents attribués sans droit de veto, et le deuxième des sièges non permanents mais avec droit de veto.

La création d'un conseil de sécurité économique et social est envisagée pour donner une direction stratégique au contexte économique et social mondial (et où les pays défavorisés seraient aussi présents). Ils y auraient un droit de vote suivant trois types de pondérations (en fonction de la population, du PIB, et de la contribution de ces pays au financement des biens publics mondiaux). Ces droits de vote reflètent une meilleure légitimité. Les USA pèseraient autour de 17%, l'union européenne entre 27 et 28%. Le Japon et l'Inde auraient aussi des parts importantes et l'Afrique apparaîtrait enfin. Les pondérations peuvent être recalculées épisodiquement.

Ce ne serait pas un outil de gestion. Les organisations sectorielles (BIP, OMS, Banque Mondial, OIT, etc) continuent à travailler.

Tout est actuellement confié à l'OMC et cela permettrait une meilleure division des taches qui sont pour elle beaucoup trop lourdes. Les PDG de ces organismes seraient nommés par cette assemblée (OMC, etc). Ce serait un grand pas en avant. Le premier Ministre canadien propose, lui, un élargissement du G7 (vers un G20), qui représenterait 90% de la population mondiale, et 80% de son PIB, mais ce serait excluant, l'Egypte en serait par exemple absente, alors que la Turquie serait intégrée. Ce serait un pas dans la bonne direction, mais il serait insuffisant.

En ce qui concerne l'émergence de régions à l'échelle mondiale, il s'agit de définir la démocratisation et la légitimation des institutions régionales dans les rapports qu'elles entretiennent au plan international. La vision de Samuel P Huntington est pernicieuse. Dans sa vision, l'Europe est un Etat-Nation et il applique cette notion de super état à l'Amérique Latine ou à l'Asie, etc... C'est une vision fausse car les forces de la mondialisation sont plus fortes, mais les forces antagonistes qui s'accentuent sont dangereuses, car ces ensembles se cherchent des ennemis (monde arabe, USA, Chine, Japon, etc). La coopération régionale est un pas très important. L'Europe est pionnière, mais elle est menacée. La dernière phrase qu'ait écrite Jean Monnet indique que "L'Europe n'est pas une fin en soi, mais le premier pas vers un ensemble mondial harmonisé".



Elle montre la voie. Nous avons besoin de ce type d'Europe. Une Europe qui ne soit pas un empire, mais le premier pas d'une coopération internationale...

Daniel Cohen


Bernard Soulage


Les Questions-Réponses


Retour aux Chantiers Planétaires

Ecole supérieure de Commerce de Paris
19 avril 2005

 
Paris
France
Europe
UniversitÈs
Infos
Contact