Gouvernance
et Mondialisation
La réforme des institutions internationales
est le chantier le plus important du XXIe siècle...
Questions-Réponses
La question du financement de l'économie
par les forces politiques ?
Il manque une loi internationale qui permette de suspendre l'action
des créanciers. Aux USA, celle-ci existe (TWA). A
propos des 310 milliards de dette de GM et de la loi fédérale
qui sauveraient les capacités de production de GM grâce
à la proposition de Lindon Larouche.
Quel peut être le poids de l'état
dans la recapitalisation d'une entreprise en difficulté en
Europe ?
Il y a eu un manque de Bon Sens par rapport à l'intérêt
stratégique d'une société comme Alstom qui
aurait mécaniquement conduit au monopole de Siemens, une
incohérence par rapport à laquelle on pourrait faire
preuve d'inventivité. Il manque un instrument qui permette
de faire face à ces banqueroutes car le marché est
incapable d'agir positivement.
Est-il possible d'inventer une démocratie
mondiale ?
Bernard Soulage
N'est ce pas un autre OVNI ? (avec des ambassadeurs ?) qui seraient
non légitimes par rapport aux états, ou des PDG dont
les systèmes de désignation seraient non démocratiques.
Le but est conscient : demander aux citoyens leur avis. Un nouveau
contrat social à l'échelle du Monde qui ne peut que
se baser sur la souveraineté des peuples et non pas des états
(élitisme), cela nécessiterait un parlement mondial,
une constitution mondiale (déclaration des droits de l'Homme
en préambule). L'utopie est parfois plus réaliste
que les réformes "incrémentales" qui tuent
la volonté politique et alimentent le cynisme et la démobilisation.
N'y a t-il pas une contradiction entre le
multilatéralisme et la régionalisation ?
Les "préférences collectives" (non soumises
au marché) ne sont pas les mêmes que celles du marché.
Comment hiérarchiser dans ce cas les normes et produire de
la légitimité ? Les approches de la mondialisation
et du marché différent... Cela suppose la création
d'un conseil des droits humains.
Le conseil économique et social est si nombreux qu'il perd
de sa force exécutive (comment lui rendre son efficacité
?).
Quel est le rôle du judiciaire ? La
cour internationale de justice ou les autres juridictions internationales
peuvent-elles produire des normes ?
Réponse de Kemal Dervis
Il y a des différences régionales dans l'optimisation
des normes au plan international. Les asiatiques n'ont pas les mêmes
buts que les sud-américains. Cela suppose la définition
de droits fondamentaux et de droits relatifs à l'échelle
des continents. Les normes sont variées : celles des droits
de l'Homme devraient être mondiales par principe.
L'ECOSOC des Nations Unies pourrait évoluer le conseil économique
et social et la création d'un comité exécutif.
Son poids à venir serait identique à celui du conseil
de sécurité. Le conseil de sécurité
réformé serait une approche intéressantes mais
les différences militaires et stratégiques sont telles
qu'il serait maladroit de réformer les choses à l'emporte-pièce.
Il est plus facile de créer une structure parallèle
que de réformer le conseil de sécurité.
Il s'agit d'accepter les proposition de Kofi Annan et du groupe
qui les a élaborées en ajoutant quelques éléments
décisifs.
Vis-à-vis de la démocratie représentative (et
non directe) au niveau mondial, si on ne passe pas par les états
nations, les barrages seront tellement nombreux (pour la création
d'un parlement et d'un gouvernement mondial) que l'on ne pourra
directement passer à ce stade. La faisabilité d'un
tel projet a très peu été abordée. Quelle
chance que celui-ci se réalise ? La question de la légitimité
d'un tel conseil face à des normes issues de l'économiquement
plus fort.
Concernant l'articulation entre les ensembles régionaux et
l'échelon mondial, l'Europe est insuffisamment utilisée
ou évoquée, dans la mise en place du projet de gouvernement
mondial comme l'avait pensé Kant qui y voyait une menace
autoritaire en l'absence de contre pouvoirs. D'où la réflexion
hégélienne sur la domination. Le contre-pouvoir peut
aussi être juridique, TPI, CIJ, cour internationale des droits
de l'homme, etc... Le travail de justice et de mémoire nationales
ne doit pas interférer, comme au Chili.
Il faut progressivement créer un mécanisme politique
qui oblitère la prééminence économique.
Un changement idéologique majeur doit s'opérer dans
ce sens. Prenons les américains au mot sur leur théorie
de la démocratie. Logiquement, face à la démocratie
et aux droits humains, on ne peut s'arrêter à l'état
nation (Afrique, Amérique du sud, ...). Il s'agit d'étendre
ces droits et ces égalités nouvelles.
Par rapport aux anciens équilibres de pouvoirs, la démocratie
a fait des progrès (démocratie mondiale). Ne nous
arrêtons pas à l'Etat-Nation...
Les normes aujourd'hui coexistent, sauf à l'OMC. Il s'agit
que de leur confrontation, une nouvelle hiérarchie des normes
apparaisse. C'est ce que l'on appelle le processus Obuntu, d'après
Mandela, qui est une action orchestrée de toutes les ONG
du monde pour mener à la paix et à la prospérité.
Il y a une accélération des processus qui vont dans
ce sens dans le monde (Nigéria, Ukraine, etc). Cela va se
produire ailleurs dans le monde et ces ensemble vont se constituer
plus vite que l'on ne croit.
Daniel Cohen :
Quand on prend des normes étroites, elles sont vite légitimées.
S'occuper de tout est une catastrophe. Des médecins pour
traiter le Sida, c'est légitime... C'est un point de départ.
La modestie d'une production de normes la légitimise plus
rapidement. Une manière d'agréger des atomes de nature
identique. Au fond, il y a un postulat : l'humanité avec
son patrimoine commun, est bâti autrement par l'histoire et
la tradition. C'est la reconquête de notre humanité
dégradée, aliénée presque, par l'histoire.
L'Union européenne n'intéresse ni la Chine, ni l'Inde.
En Afrique, dans le monde arabe, en Amérique latine, en Asie,
elle est intéressante...
L'Union est une solution à un problème particulier.
Une démarche pragmatique, empirique, sans renoncement, grâce
à l'invention d'un tiers, qui a incarné le bien public
non contre mais à côté des états. C'est
un modèle qui est vivace, sauf en cas de crise grave.
Elle inspire le monde.
La méthode qui nous a inconsciemment inspirés dans
l'élaboration de cette réforme des institutions internationales,
est probablement européenne...
Kemal
Dervis
Daniel Cohen
Bernard Soulage
Retour aux Chantiers Planétaires
Ecole
supérieure de Commerce de Paris
19 avril 2005
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