Nous
entamons aujourd'hui une nouvelle étape de l'aventure humaine. Un
formidable défi, sur le point de révolutionner toutes nos habitudes de
travail, d'échange et de loisir, est lancé individuellement à chacun
d'entre nous. Liste de choses à emporter.
Faudra
t-il encore longtemps répéter que la période que nous vivons, avec la
brusque évolution des technologies traitement numérique, n'accuse rien
d'autre que le décalage typique d'un Moyen-Age moderne ? Même rehaussé
des reliquats de la modernité, celui-ci n'a pas encore intégré les
transformations que suppose le passage à une autre civilisation. Les
signes partout déjà repérables du renouveau échappent, eux, à la
logique noire du monde. Témoin l'irruption imminente de la réalité
virtuelle dans notre quotidien. Bonne nouvelle : la refonte des schémas
anciens qu'elle suppose est une chance de perfectionnement.
Profitons-en ! Il est grand temps de tordre le cou à toutes les idées
fausses concernant une technologie qui a cristallisé pas mal de peurs
ambiantes. Un doute qui traduit la réticence que certains ont à vivre
les inconnues d'une situation qui ne leur est pas familière. La
transformation leur imposerait de laisser tomber le catalogue des
certitudes issues de l'époque contemporaine… et la crise qui va avec…
Que la réalité virtuelle sorte de son ghetto de joujou technologique
inaccessible est une bonne chose. Nous avons énormément à y gagner, et
c'est pourquoi il est si important de comprendre aujourd'hui ce qui va
se passer demain. Ici réside aussi la raison d'être de ce
magazine. Une découverte mal cernée, mal comprise, y compris, au
départ, de ceux qui l'ont imaginée, ne pourrait susciter que des
approximations d'échelle, manquer sa vocation et alimenter de nouvelles
erreurs. Dans un pays aux prises avec la compréhension et les
recherches de solution des phénomènes réels, sa formidable puissance de
traitement, d'échange, et l'espace potentiellement illimité d'un
nouveau continent, apporteront un plus décisif. Les outils arrivent,
ils sont enfin abordables et vont permettre aux applications qui
demandent à être développées, de voir le jour. Car la ”machine
pensante” apporte bien un progrès réel mais celui-ci, pour profiter à
la société dans son ensemble, suppose que nous définissions maintenant
les “correcteurs de rectitude” qu'il implique.
La réalité virtuelle sera un des vecteurs de cet aménagement. Strate
nouvelle du tissu social, elle annonce une cohésion nouvelle et des
niveaux d'abstraction différents, une grammaire, d'autres formes de
langages et une culture parallèle.
Mais l'homme doit rester la priorité. Il faudra se faire la douleur de
garder à l'esprit que nous ne sommes faillibles, et que le
développement virtuel ne peut se faire sans une relation implicite au
concret. Les hommes ont toujours eu énormément de mal à gérer des
pouvoirs qui touchent au divin. Il s'agit, ni plus ni moins, de définir
les fondations du monde qui se profile en lui insufflant l'humanité et
l'humanisme qui aujourd'hui lui font encore singulièrement défaut. La
machine a ce que nous pouvons y mettre d'humain.
Le travail à accomplir n'a jamais été si important, si passionnant,
aussi. La société qui doit, à terme, doit pourvoir aux besoins de
tout le monde. N'occultez pas votre talent, ni la richesse des
complémentarités voisines. Chaque effort sera récompensé en retour des
bienfaits d'une alchimie compliquée mais inépuisable.
Gilles Marchand
Paris, Juillet 2015
|