Une
attitude puritaine en matière de flux humains et culturels est une
misère de l'esprit autant qu'une ruine à venir des pays qui la
prôneront.
Une
des questions qui semble agiter certaines consciences asservies par des
années de rumination stérile ces temps ci est celle de la préférence
nationale dans un but d'évidente préservation des intangibles valeurs
qui ont fait l'inexpugnable gloire de certains grands peuples
marmoréens. On a la trouille, on s'inquiète. En un mot comme en trois,
l'étranger fait peur. Son externalité, son peu d'adhérence aux thèses
défendues par ces soit disant penseurs préoccupe. On y va à reculons
avec commisération et le maximum de précautions oratoires qui
s'imposent — quand on y va. C'est la belle attitude de ceux qui surfent
entre leur boulanger, leur supermarché et leur lieu de travail culturel.
Dans le triangle exigu de leur manque de foi en l'avenir.
Ces personnes et cela est valable à l'échelle mondiale voudraient nous
intimer l'ordre de détester en retour ce que nous comprenons,
d'abandonner l'attitude d'ouverture qui — miraculeusement — semble
encore être la notre et nous ramener aux époques féodales qu'ils n'ont
pas tout à fait quittées.
Fermeture des frontières, fermeture des ouïes, retranchement dans les
soubassements d'une culture qui se flétrit. Rejet du différent,
quasi-volonté nationaliste de purification ethnique. On ne se mélange
pas, on refuse de recevoir tout ce que l'on a à recevoir. On se ferme,
on gèle des écoutilles. Super attitude qui va directement du point de
la relative entente jusqu'à l'affrontement. Quand on se cramponne à de
petites certitudes périmées, il arrive que les problèmes que vous niez
vous rejoignent là où vous tenez.
Nous avons tout à gagner de la multiplication même à outrance des
échanges. Nous avons tout à gagner de faire confiance à une jeunesse
qui a pourtant été systématiquement maintenue dans un état de minorité
critique, écartée, incomprise, soumise à une mise en boucle des
desiderata adultes.
On voit aujourd'hui quel est le résultat de cette attitude. Tout va
bien pour un nombre toujours plus réduit de personnes soucieuses de
conserver indéfiniment les choses en l'état dans un monde qui n'a
jamais changé aussi vite. La fin de l'histoire était une bien belle
mécanique, huilée, équilibrée, généreuse presque, mais totalement
irréaliste.
Aujourd'hui le futur déborde de partout.
Il nous atteint même dans les endroits où nous cherchons à l'éviter.
Comment l'intégrer ? Internet est une stratégie du débordement mais
c'est aussi une fabuleuse machine à développer des pratiques
intellectuelles et culturelles dans l'accroissement des contacts, dans
la densité de ses contenus, et la réalisation des potentiels qu'il
permet de concrétiser. Mais là aussi nous doutons.
Nous reproduisons les petites contorsions protocolaires qui ont présidé
à l'accueil de toutes les inventions majeures. L'aspect négatif est
amplifié par cette attitude de commisération. Les croyances se
rencontrent. Sans une prise en compte ouverte de toutes les tendances,
comment aujourd'hui les faire communiquer ? De telles évidences
paraissent difficiles à faire admettre à certains responsables dans la
mesure où ils ne parviennent pas à les séparer d'aspects géo
stratégiques qui sont pourtant transparents dans un contexte de
développement des technologies de communication.
Certaines sociétés reposent sur des valeurs qui semblent demander une
forme de séparation ubiquitaire. Les mettre en contact avec la réalité
internationale peut provoquer des séismes. Comment les intégrer sans
les dénaturer autrement que par un respect de leurs traditions et une
reconnaissance de leur intérêt humain. Sans une attitude d'ouverture,
de respect et de tolérance civilisationnelle puisque certains pensent
devoir peser une supériorité à ce niveau. Deux individus qu'ils soient
issus du centre économique du monde ou d'une latifundia perdue ont la
même valeur humaine et peuvent connaître les réalités de la nature
humaine avec la même intensité. Ils sont objectivement différents
notamment sur le plan culturel mais ils sont tous deux des expressions
différentes d'une réalité identique. Un même sang coule dans leurs
veines et le quotient intellectuel le plus élevé n'est pas forcément où
l'on croit.
Avec Internet et les nouvelles technologies de communication, nous
avons un instrument exceptionnel pour créer de la richesse, une
nouvelle économie, pardon d'employer à dessein cette expression que
certains voudraient enterrer avec les peurs qu'elle a pu leur inspirer.
Or on perd le sens de certaines valeurs simples de solidarité et
d'ouverture. Cette apparente porosité à laquelle nous sommes désormais
soumis ou dans laquelle nous avons la chance de nous trouver c'est
selon les dispositions qui président, nous expose plus qu'elle ne nous
protège. Nous avons donc besoin d'une protection mentale,
intellectuelle, culturelle, professionnelle. Une forme d'ouverture et
une forme d'"abandon" conjugués. Le multiculturalisme demande une bonne
connaissance de ce qui fait notre identité, notre rattachement
géographique, notre maison, notre socle.
Cela demande des années d'apprentissage et contrairement à ce que
croient certains, soucieux de correspondre à l'immédiateté du click and
play, cela demande une discipline, un esprit d'analyse, de synthèse et
des fonctions critiques. Or où peut naître cet esprit sinon dès le plus
jeune age dans le multilinguisme et dans l'éducation.
Les générations qui accèdent aujourd'hui au monde dit actif ont
bénéficié de cette approche, mais bien souvent, elles ont été étouffées
et n'ont pu accéder aux places de renouvellement de la société parce
que la génération qui l'a précédé a maintenu son influence sur une
durée exceptionnellement longue de son histoire. Il se peut qu'il n'y
ait pas aujourd'hui d'antinomie, mais c'est à cette génération
tutélaire de jouer son rôle de transmission. Elle a été au succès mais
ne doit pas compromettre celui de celle qui la suit par une rétention
d'avantage prolongée des instruments qui permettront d'effectuer la
transition dans les meilleures conditions. En particulier l'argent
alors qu'on assiste souvent à une paupérisation accrue de nombreux
jeunes contraints de réfreindre leurs aspirations et de différer leur
date d'entrée dans la vie professionnelle. Le phénomène des adolescents
poussés à rester chez leurs parents est parlant. Il illustre une
appréhension voire une impossibilité parfois de trouver le point de
passage, les points de passage obligés.
Dans une société qui négocie un changement symbolique, nombreux sont
ceux qui peuvent se tromper, aller dans des directions handicapantes.
Il faut que cette énergie humaine bénéficie d'une plus grande
connaissance du terrain, et soit par conséquent tenue informée des
modifications en cours. Je ne parle pas uniquement de modifications
techniques, je parle de modifications symboliques. Certains médias
remplissent ce rôle à merveille et il faut tirer son chapeau à tous
ceux qui le font avec honnêteté et foi dans les développements en cours.
Par contre, la gestion de l'actualité souffre de dysfonctionnements. On
pourrait écrire des dizaines et des dizaines d'essais sur le sujet mais
pour ce qui est en relation avec le thème central de cet article, il
est clair qu'on touche actuellement un seuil. La manière dont les
informations viennent à nous demande une connaissance des médias et des
qualités quasiment professionnelles. Pour comprendre ce qui nous
arrive, il faut une grande rigueur, une curiosité exceptionnelle et
quand bien même ce serait le cas, cela ne suffit pas. Il faut aussi
savoir trier, reconstituer ce qui nous arrive en lambeaux. La
reconstitution de ce puzzle est devenu parcellaire et énigmatique.
Bref nous sommes souvent trop ou pas assez informés, rarement nous ne
trouvons ce que nous cherchons. Nous assistons impuissants la plupart
du temps à tout ce que la planète produit de dysfonctionnements, sans
explication, sans code, sans éducation, sans esprit critique, sans
implication, même. On brouille les images plus qu'on ne les éclaire et
cela provoque entre autres, certains replis identitaires et certaines
tentatives de solution par d'autres moyens. La confusion, ou une
certaine incompréhension s'étant installée à l'aune de nos
plates-formes communicationnelles on s'en remet à autrui.
La télévision à force d'hypnotiser perd de son pouvoir.
Ce n'est pas toujours le cas car il y a heureusement un grand nombre
d'émissions de qualité qui privilégient la discussion et une certaine
réflexion, une analyse nécessaire, un décodage qui sont bienvenus. Mais
pour ce qui est des variables sociologiques et culturelles, les
phénomènes ont bel et bien lieu. Une alternative consiste à spécialiser
les sources d'information en fonction des besoins. Le développement du
câble et des chaînes numériques hertziennes va dans ce sens mais il
n'est encore rien face à la convergence avec Internet qui est l'absolu
du particulier accessible au plus grand nombre. A tel point qu'on
étalonne ces nouvelles sources et ces nouveaux modes par des vocables
de plus en plus précis. C'est une chance pour le multiculturalisme car
cela évite notamment la prétendue uniformisation que tant redoutent.
Le multiculturalisme nous met à l'abri de cet écueil et reconstruit des
savoirs et des expériences pointues et diversifiées qui permettent une
densification du tissu professionnel et une explosion des connaissances
et de leur prise en compte au plan culturel. Nous allons donc bel et
bien vers une société où la culture sera la valeur dominante et où les
nouveaux médias seront les vecteurs de cette transformation. Abandonner
maintenant serait une ineptie. Contrer les projets qui demandent à voir
le jour sous prétexte que des mauvais gestionnaires ont avancé sans
réaliser les limites de leurs possibilités financières et le mimétisme
en simultané des sites créés notamment pour ce qui était de leur
promotion et de leurs méthodes marketing réputées infaillibles, est
aussi un non-sens.
Mais les institutions financières semblent échaudées sans se rendre
compte qu'elles prennent le problème à l'envers. Une nouvelle
génération arrive. Elle a besoin de prendre en compte toutes les
données objectivement discernables pour s'assurer d'une réussite à long
terme. La sécurisation des données, le respect du caractère privé des
données, sauf cas exceptionnels, ou saut symbolique dans la pratique
d'une activité, est fondamental. Comme est fondamental le respect du
droit à la propriété intellectuelle y compris au plan international. Il
est nécessaire de créer par exemple des extensions mondiales des
actuelles sociétés d'auteurs. Sinon, nous créerons des sociétés
condamnées à l'unicité ce qui va à l'encontre d'une richesse
individuelle condition nécessaire de constitution des ensembles plus
larges dans lesquels nous seront amenés à vivre. La puissance d'un
cadre qui garantit protection, droit à la parole, droits et devoirs de
société démocratiques, rejet de la violence morale ou physique. Nous
avons une réelle puissance d'intervention face à la violence morale.
Exprimons-la.
La nouvelle économie n'est pas morte, au contraire. Ses premiers
balbutiements ne font que témoigner de l'ampleur du changement en
cours. De la profondeur et de la largeur du phénomène. Elle a été
condamnée et rejetée par le click and mortar mais ce n'est reculer que
pour mieux sauter car quand les conditions du paiement en ligne seront
réunies de façon large, elle se développera très rapidement. Le click
and mortar n'en est d'ailleurs qu'une variante solide.
La confusion n'est parfois que la première étape d'un rejet installée
par des variables discordantes et une actualité insoutenable au sens
étymologique du terme. On s'en remet alors à des gourous ou des
religieux pas toujours bien intentionnés. On refuse de baisser les bras
et on a raison mais cela n'empêche pas — parfois — de se fourvoyer.
Sans ouverture, le repli est asséchant et conduit aux mêmes réponses
simplistes que celles de ceux qui ne jurent que par des aspects
purifiés — à l'age numérique ! — de la réalité humaine. Cette vision
est non seulement dangereuse, mais elle conduit à la violence, à la
bêtise, aux situations absurdes et au gâchis.
On cherche des réponses plus personnalisées, plus personnelles qui
feraient renaître du sens dans le contexte de reflux du sens qui a été
opéré par le post modernisme.
Quand la vie est à ce point méprisée par un terrorisme actif ou niée
dans sa permanence par les conséquences indirectes d'un fonctionnement
décalé des instruments symboliques dont nous nous servons, des failles
ne tardent pas à apparaître au psychologique. Nous devenons vulnérables
du fait de cette fragilité installée en nous comme prix des
renoncements auxquels nous avons du consentir.
L'ouverture, l'intelligence, la création de formes de contacts
critiques et documentés résout au contraire cette forme nouvelle
d'indigence. La vraie pauvreté qui serait là. Dans ce dénuement du cœur
et de l'esprit. Dans cette incompréhension des perspectives,
artificiellement amoindries par une captation à laquelle il faut tout
de même réfléchir pour la dépasser et rétablir la circulation du sens
dans des corps aujourd'hui anémiés par des pratiques
dépersonnalisantes. Il faut réinventer un esprit, une réflexion, un
souffle, une analyse adulte, une synthèse comme modus vivendi de toute
prolongation durable de la vie, la sienne propre et celle de ceux avec
qui ont est en contact. Il faut pour cela être curieux de cette même
vie qui peut nous apporter au plus haut point toute l'étendue des
richesses dont elle est capable.
Il faut donc être ouverts aux autres et éviter les attitudes
intransigeantes de rejet de ce qui fait la qualité de l'autre en tant
qu'entité universelle dotée des mêmes potentiels que soi. La vie créée
ensuite toutes sortes de discriminations de matière quasi naturelle
alors il est inutile de les établir d'une manière artificielle. Cela ne
veut pas dire qu'il faille tendre l'autre joue mais si l'on est assuré
de sa force ou de sa puissance, alors il faut privilégier le dialogue
et l'entente plutôt que de mettre le doigt dans des processus non
maîtrisables d'affrontement et éviter ainsi les engrenages.
Une relation faussée, inauthentique n'augure au mieux qu'un
éloignement. Or l'éloignement n'existe plus ou presque aujourd'hui. Il
n'est plus la variable morale et philosophique qui pouvait jadis nous
prémunir contre les contacts non souhaités. Là aussi s'établit un
nouveau type de relation, plus ouvert, avec autrui et un nouveau type
d'interaction avec le monde. Il parait néanmoins indispensable de
garder à chacun sa dimension intérieure, la part individuelle ou
familiale d'angles morts et de zones cachées ou peuvent renaître
l'intime et l'intimité. Ceux qui font le choix de l'exposition doivent
être respectés pour le parti qu'ils ont pris de vivre cette forme
d'intériorité nouvelle qui augure tout simplement d'un saut qualitatif
comparable à celui fait par les premiers acteurs de théâtre ou de
cinéma, car, c'est sûr, pour ce qui est de la prise en compte morale de
ces deux moyens d'expression, les choses ont été dites. D'autres choses
sont à dire et à écrire aujourd'hui. Mais il n'empêche en aucun cas que
toutes les composantes du désir doivent être préservées quel que soit
l'endroit où elles cherchent à s'établir.
Nous construirons une génération, des générations multiculturelles
capables de s'écouter et de s'entendre, capable de parler et de
dialoguer et de se comprendre quelles que soient les langues utilisées.
Il s'agit néanmoins que persistent et se développent les identités de
rattachement principal de chaque individu. Un lieu où vivre, sa langue,
sa culture, une location géographique stable dans un contexte de
rapports nomades que nous n'avons pas le droit de laisser se
détériorer. Le reste découle de cette attitude fondatrice.
Or les équilibres humains et économiques doivent être maintenus et
progressivement améliorés mais quelle est l'attitude de nos
gestionnaires ? Comment procèdent-il ? Quelle est leur vision,
quelles perspectives voient-il ? Ils font des économies, ils cassent,
ils déstructurent des régions riches à fort potentiel intellectuel, ils
grappillent des bouts de chandelle, ils installent un vide là où il y a
de la matière, cassent l'instrument économique pour le livrer clef en
main à qui de droit ambiant. Vision malthusienne. Vision étroite et
myope qui condamne au centralisme de la commande avant que cette
commande ne quitte à son tour les mains, pour ne pas dire les doigts de
celui qui l'exerce pour rejoindre un no man's land virtuel où la
richesse n'est plus qu'une valeur immatérielle qui ne profite à
personne d'autre qu'à la machine qui l'héberge.
Cette anthropophagie, ce cannibalisme dont s'enorgueillissent certains
inconscients seulement conscients de courir en avant aboutit au
non-sens philosophique absolu. Le nihilisme est substantifique à côté
de cette vision qui plus est ne supporte pas la contradiction quand
bien même elle se révèle être dans l'erreur et voudrait installer une
forme de pensée unique, non discutable, sclérosée et peu soucieuse de
diversité. La solution, les solutions sont au contraire dans la
diversité, dans les diversités humaines. Dans le respect et la
tolérance des autres formes d'approche. Pas dans l'étouffement des
arguments qui préfigurent les étapes à venir.
Les moyens de garantir l'avenir des sociétés humaines existent bel et
bien et sont sains et indéfiniment prolongeables. Mais on ne fait plus
toujours le pari de l'humain qui est pourtant la seule vraie valeur — à
terme — en terme de théorie économique. Et dans l'humain on introduit
la variable suspicion, traîtrise, défaut, incompétence, méfiance,
trahison, faillibilité, fragilité, alors que l'important réside ne
serait ce que dans de la confiance à établir et la plus élémentaire
politesse à respecter. Car on obtient le meilleur qu'en donnant le
meilleur.
Mais s'installent dans les machines des éléments de contrôle, mouchards
et autres systèmes de prise de main — et on prend pour cela prétexte de
l'inquiétude sourde qui est née des attentats américains pour accentuer
encore ce phénomène dont les effets pervers sont pourtant patents et
aussi indirectement créée par un type spécifique de fonctionnement des
choses en relation close. L'ordinateur, dieu merci, est aujourd'hui
doté d'innombrables portes de sortie et d'entrée qui permettent
d'établir un type de relation riche et équilibrée, part intégrante
d'une journée de travail. Mais ces chevaux de Troie et autres systèmes
espions mettent en danger non seulement ceux qui les utilisent mais à
terme ceux qui les installent. On peut obtenir une modification des
rapports à la machine quand elle est mal utilisée. On se retranche
alors dans des mondes toujours plus éloignés des réalités concrètes et
cela est parfois valable pour la télévision également. Tout cela
provient d'un type de rapport à la machine. Il faut avoir vécu et
résolu des équations existentielles avant de s'y laisser absorber.
Sinon, on bâtit des types de relations schizoïdes dans lesquelles les
protagonistes ne savent plus par quels chemins ils doivent passer afin
d'approcher leurs objectifs. Objectifs qui s'imposent à eux comme des
éléments obsessionnels que certains ne résolvent que dans la violence,
dans la suppression du lien objectivé comme rapport direct — et donc
conforme — à la relation homme-machine.
Que devient l'amour, que devient la relation homme femme au temps de la
machine intelligente ? Elle-même se réinvente mais elle a besoin d'un
maximum d'honnêteté et de subtilité pour exister dans des contextes
toujours plus envahissants. L'amour se régénère à travers toutes ses
composantes, dans la diversité des avis et des approches effectivement
réalisées. Tirer parti des enseignements et surtout des émotions et des
sentiments ressentis. Vérité et court circuit vers le cœur sont
nécessaires dans un temps d'instrumentalisation. Une plus grande
authenticité et des capacités d'entente, d'écoute et d'accueil plus
grandes. Et l'abandon, total, des barrières, le contact et la fusion si
nécessaire dans un monde où les robots commencent à pulluler, dans un
monde d'interfaces. Pas d'interface dans l'humain. Contact direct.
Vérité des peaux quelles que soient leurs couleurs.
Il faut réintroduire la confiance, le respect, la capacité de se
perfectionner, l'efficacité récompensée en d'autres termes qu'une
précarité toujours plus poussée. Dans ces entreprises on hésite à
placer et à donner le même salaire à des personnes qui sont pourtant
aussi compétentes. Les femmes et les Français "issus de l'immigration"
à qui on oppose des fins de non recevoir qui les poussent toujours un
peu plus vers la démobilisation, et les zones limitrophes où sévissent
de petits recruteurs qui offrent des solutions rapides, religieuses ou
délinquantes, qui sont surtout basées sur l'apparence du respect et
l'apparence de la prise en compte. Et cela est valable à l'échelle du
monde développé. On ne prend pas en compte jusqu'à ce que la répression
semble être la seule solution alors qu'elle ne tarde pas elle-même à
montrer ses limites.
Les attitudes nécessaires sont ailleurs. Les solutions car il faut se
garder de donner une solution unique facile et magnétique à des
questions elles qui sont complexes et demandent des mobilisations
larges et longues. Les hommes de pouvoir doivent aujourd'hui
privilégier l'ouverture sinon la transparence qui peut être un frein au
travail serein des équipes dirigeantes au moins durant les périodes
critiques. Rendre des comptes parait normal et nécessaire. A terme, ces
comptes se feront à intervalles plus rapprochés comme c'est le cas avec
les sondages, même s'il faut savoir distinguer une décision argumentée
d'une décision pulsionnelle.
Or nous sommes atteints au mental, au moral, au psychologique. A nous
de nous construire dans cette ouverture consciente, dans une force et
des possibilités concrètes de perfectionnement en sachant que la
meilleure posture — ou imposture c'est selon les avis tempérés ou
temporels — dans une situation d'affrontement n'est pas forcément
l'attitude traditionnelle et généreuse — et forcément légitime — qui
consiste à prendre la défense du plus faible, vieille tradition
gauloise, mais de se placer across the lines, au milieu, en tant
qu'intermédiaire, go-between, middle-man, et médiateur. C'est un peu le
rôle à prôner pour chacun, faire dialoguer les parties, les amener à
l'entente, à la compréhension et à la coopération mutuelle. Notre
diversité, la mixité qui nous compose plaide en faveur d'une plus
grande ouverture d'esprit à une heure où tant de petites consciences
fragiles se referment. Sachons aller plus loin, voir au-delà des
épaules larges ou pas les terrains de la coopération à venir entre
toutes les communautés.
Gilles Marchand
Paris, Juillet 2015
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