Les Européens sont-ils reptiliens ? Petite géographie descriptive de l'amour au temps des machines. Command ou Pomme N ?
La
méga montée des mouvements globaux chamboule tout ce que nous
connaissons. Je, toi, tu, il ou elle, la manière dont nous nous
parlons, nous écoutons et nous comprenons a redessiné les contours
familiers de nos relations et ce à l'échelle du continent comme à
l'échelle de nos relations personnelles et individuelles. La
mécanisation, l'informatisation du temps, de nos rapports à l'image
séquence, atomise, diffracte la pensée et la soumet à une
reconfiguration permanente, une mise à disposition qui nous rend
pourtant la main.
Alors prenons-nous par la main et promenons-nous dans l'émoi.
De quoi accuse t-on ma planète ?
Trente années de luttes acharnées ont permis aux femmes de se faire une
relative place au soleil. Un destin d'émancipation encore fragile,
souvent en creux, qui dépend encore beaucoup du bon vouloir de sa
majesté l'homme numérique.
Elles ont conquis leur indépendance, leur vie de femmes et leur vie
d'hommes. Elles sont devenues des êtres hybrides, des mutants assumant
à la fois les charges du travail et de la famille. Au milieu des avis
de tempête, des barrages et des rambarrages, elles ont su négocier les
caps difficiles grâce à la grâce que donne le don de la maternité
recherchée et revendiquée comme ressourcement et résurgence au milieu
des difficultés.
Chapeau bas !
Le contact direct avec les réalités réelles leur a doucement donné des
rênes qu'en secret elles n'ont jamais cessé de tenir. Mais la
rénovation des schémas de l'amour a ramené des valeurs plus
traditionnelles qui évacuent doucement, sourdement pourrait-on dire,
des comportements dits originaux. Ceux-ci ont été parfois diabolisés ce
qui du coup, fait qu'ils sont revendiqués sous formes d'attitudes
souvent plus militantes. Des attitudes qui ne sont que l'expression des
combats qui font rage sur le front de l'amour.
Nous sommes aux prises avec les difficultés d'un temps qui multiplie
les passages par-dessus bord. Il faut alors résister à la violence de
chocs répétés qui font aussi comprendre la chance qu'il peut y avoir à
vivre l'existence relativement parfaite d'européens en pleine
possession — ou presque — de leurs moyens. Entourés d'un aréopage
complexes de dispositifs notamment juridiques, économiques, ou
culturels (attention sortez vos fusils et reprenez à la page trois),
qui nous protègent. Nous sommes — excessivement ? — quand on compare la
relative tolérance qui nous entoure à la situation en général, moins
favorisés que certains pays — notamment dans le tiers monde. C'est
aussi un problème de philosophie de la vie.
Un peu plus de douceur ne siérait-elle pas davantage dans ce contexte parfois... euh... complexe.
L'homme, lui, est parfois perdu dans ses volutes intellectuelles et les
constructions virtuelles qui lui donnent souvent un part croissante de
sa force et de sa puissance. Il a du aussi traverser le cauchemar du
sida et les âpres hostilités du féminisme. L'affirmation du deuxième
sexe, même s'il était une négation du Pater familias, il l'a parfois
accepté pour ne pas dire encouragé, ce qui était plutôt un signe de
maturité.
Mais après dix années floues à ce régime, la confusion s'est souvent
installée. Il se retrouve un peu flapi à l'issue des combats vers le
début des années 90, et cherche confusément une attitude nouvelle qui
lui assurerait à lui — ainsi qu'à ses récalcitrantes égéries — un
rapport au monde et à l'amour qui soit un peu moins de l'ordre du
fantasme. L'amour pour de vrai en somme. Mais les jeux de l'amour
virtuel et du hasard ont encore frappé, le cybersex comme nouvelle
grille de lecture, profane le corps et l'intimité par la multiplication
qu'il fait des caméras et le stockage du n'importe quoi. La femme
s'éloigne.
Pour être connectés, il faut être séparés.
L'amour devient alors plus visuel, il entre dans le champ du purement
intellectuel de la sensation immatérielle... Don' touch me with your
grosses pattes.
Il faudra pourtant revenir au corps.
C'est exactement l'équation que tente de résoudre — maladroitement
parfois, mais pas tant que ça — l'homme — et la femme ? — actuels.
Retrouver le langage du corps. La douceur, la tendresse, la
gentillesse, l'insouciance, le bonheur, la générosité dans le don, une
hargne de vivre qui ne soit pas teinté de méchanceté.
La foi et l'émotion.
Retrouver un amour qui ne soit pas uniquement physique mais qui
peut bien passer par le sexe, voir être carrément torride, tant pis, il
va falloir être heureux ou tristes, mais debout au milieu de notre
enfer ou de notre paradis personnels. Voir plus grand sans
systématiquement être zen. Ensuite balance des couleurs.
Expurger les humeurs qui font souffrir.
Alors reptiliens, les européens ? Etes vous vélociraptors, ou
brontosaure, T-Rex ou diplodocus, adeptes de l'amour courtois ou du
flash love, bête assoiffée d'amour ou être raffiné spirituel et
volontaire ? Ou les deux ou les trois à la fois ? Veuillez décliner
votre identité... Leave your passport and deposit.
Anyway, all of you, uno last conseil für die route. Sortez protected, espèce en voie de reproduction !
Gilles Marchand
Paris, Juillet 2015
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