Danger
majeur à venir ou tentative de refondaison spirituelle, gros plan sur
ce qui pourrait devenir, si nous n'y prenions garde, la deuxième
idéologie à venir du XXIème.
La
dématérialisation croissante de la réalité nous place dans une
perspective d'abandon du sens auquel l'homme de par sa constitution, ne
peut, n'a pas pour vocation à se résoudre. Un immense vivier à
tonalités dissonantes dans lequel doit s'échafauder, malgré tout, la
longue construction de son esprit, de ses savoirs et une colonne
vertébrale morale sur laquelle puisse reposer et s'orienter son
existence. Dans ce contexte s'échafaudent des enjeux majeurs qui le
place en situation d'être libre de déterminer son destin ou bien de
subir le joug de l'immiscion dans le champ de son activité de
contraintes nouvelles qui diminuent son potentiel de choix. A l'heure
où se créent des structures de pouvoir qui échappent au contrôle des
citoyens ou qui, du moins, ne concèdent aucun droit de regard sur la
manière dont elles fonctionnent, la question commence à se poser avec
une acuité nouvelle.
La possibilité pour une entité unique de corrompre la liberté de
l'ensemble des individus présents sur cette planète et d'établir une
forme de pouvoir centralisé qui les touche tous n'est plus tout à fait
une vision idéaliste de comic stripes. A l'heure où l'on voit se
constituer des hyper conglomérats médiatiques touchant à ce qui est
plus essentiel que le simple entertaintment mais qui est le socle et le
vecteur de la pensée, du goût et de l'art, un saut quantique dans
l'ordre du contrôle de cette information n'est plus tout à fait
impossible d'autant plus que ces puissances ne sont pas responsables
devant des institutions démocratiquement constituées et qu'elles
bénéficient de moyens technologiques décuplant leur maîtrise de cette
même information.
La transformation du discours de telles organisations dirigées en
définitive par un individu unique voire une machine unique ayant
intégré tous les mécanismes de prise de décision (nouveau front dans
l'avant garde de la recherche logicielle) en discours dogmatique au
sens où l'entendait Orwell, d'autant plus puissant que pouvant intégrer
une composante fondamentaliste basée sur le respect d'un cérémonial
mental par elle-même édicté, pourrait accoucher d'une technoreligion.
Si cette puissance peut s'accaparer les moyens de l'action publique
notamment dans le domaine militaire et policier alors on pourrait se
trouver, à force de n'opposer que des vigilances molles aux évolutions
planétaires de concentration de pouvoirs, face à une idéologie
agissante dont il serait alors beaucoup plus difficile à terme de
s'extraire.
Il est aujourd'hui urgent que se constituent des instances de critique
et de diffusion des idées qui puissent relayer à une échelle large les
fondements de la culture spécifique à constituer et à aménager pour
qu'elle puisse jouer ses rôles traditionnels de valorisation de
l'esprit aujourd'hui insensiblement nié dans le discours consumériste
des médias et les attributions nouvelles qui verront sans doute bientôt
le jour comme la création de contre pouvoirs européens et
internationaux dans les segments encore inexplorés que développent
aujourd'hui les nouvelles technologies, et ce d'une manière qui ne soit
pas tributaire d'une immédiate rentabilité commerciale. Les commissions
informatique et liberté sont encore, malgré un début de maillage
international largement désarmées devant la réalité qui s'ébauche.
Internet, système de diffusion très ambivalent dans la mesure où il
dépend largement de ce qu'on en fait, s'avérera probablement être un
formidable instrument de partage de ces mouvements de pensées et d'aide
à la nécessaire prise de conscience qui doit aujourd'hui s'instaurer.
Le chaos n'existe que si l'esprit ne parvient pas à le dominer. Or
l'esprit a toujours à ce jour les ressources nécessaires pour
réintroduire une efficience de la pensée globale suffisamment puissante
pour maîtriser les évolutions à venir de la machine pensante. Il ne
faudrait pas que cette limite soit franchie. A nous d'imaginer une
forme de pensée et d'organisation qui permette d'avoir une prise sur
lui.
Gilles Marchand
Paris, Juillet 2015
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