Plus que jamais, une refonte salutaire du capitalisme est aujourd'hui nécessaire.
Il
apparaît un peu plus clairement chaque jour que le système économique
sur lequel repose l'organisation de nos sociétés arrive à cul de sac
théorique qui le rend dangereusement inadapté pour assurer à long terme
leur prospérité à venir. Partout, on constate une perte de substance
associée à une progressive dématérialisation des richesses quand elles
sont confrontées à des fluctuations quotidiennes qui en érodent la
valeur absolue à long terme. Le laisser faire total en matière
financière se double d'un chacun pour soi qui encourage les manquements
les plus grossiers à une nécessaire coordination industrielle et
boursière et induit au cours du temps des comportements prédateurs qui
ne font que réduire, au nom d'une prétendue rationalité économique, un
nombre toujours plus large d'intervenants. D'autre part, les fractures
technologiques en pays pauvres et pays riches créent un tissu disruptif
qui fragilise la continuité de l'activité économique.
Toutes ces tendances — heureusement — ne sont pas des fatalités, mais
les réajustements pour l'instant imaginés font figure de pis aller
encore inadaptés aux nécessités qui se font jour. Le système de regard
imaginé aux États unis ne fait que rejoindre des règles déontologiques
existant en Europe depuis longtemps et une fois l'harmonisation
atteinte, on découvrira la pauvreté d'un dispositif qui, s'il est seul
à répondre aux besoins, ne pourra assurer le rôle qui lui est dévolu.
Les solutions, comme faisceau de mesures, doivent être plus profondes
si l'on veut prendre en compte les bouleversements énormes qui sont
apparus au plan mondial dans l'ordre symbolique et au-delà.
Tout d'abord, il faut changer d'échelle.
Mal prise en compte, l'internationalisation des marchés, ne dispose pas
de structure permettant de les entériner à ce même niveau. Il faut une
sorte, si ce n'est d'état mondial, de centre de décision, de contrôle
et de taxation internationale autre que le F.M.I. et la Banque
Mondiale, afin de juguler l'inorganisation actuelle des marchés. Ceux
ci créent de la richesse et on n’imagine pas une création de richesse,
sinon prélevée, du moins issue de l'économie mondiale qui ne soit pas
soumise à un impôt qui puisse ensuite bénéficier à l'ensemble de la
communauté internationale en étant redirigé et géré par des structures
comme les Nations Unies.
Il permettrait un allégement des cotisations des pays membres ainsi
qu'une harmonisation démocratique, sanitaire, et écologique à venir.
Les circuits financiers sont aujourd'hui altérés. Ils débouchent sur
des poches d'air, des bulles spéculatives et des lieux d'épanchements
qui créent des hémorragies de la richesse mondiale. En d'autres termes,
la circulation sanguine de la planète ne permet pas de "réoxygèner" des
portions parfois larges de son tissu économique. Et, qui plus est,
celle-ci se fait sans code de la route. Qu'on s'étonne que des
"accidents" s'y produisent.
Il s'agit d'imaginer des règles déontologiques, des règles
comportementales permettant aux différents acteurs du marché mondial de
vivre en bonne entente les uns avec les autres afin de maximiser la
création de richesse. Nous nous éloignerons alors de la chasse et de la
cueillette à laquelle on assiste actuellement sur les marchés
financiers pour rejoindre une phase qui serait plus proche d'une
agriculture. Sans établir de structures coercitives qui brideraient la
liberté individuelle, il est possible d'imaginer qu'une gouvernance
supervise, conseille, encourage et distingue ceux qui feraient appel à
son expertise. D'une culture extensive, on aboutirait, à terme, à une
intensification des récoltes sans appauvrissement de ce qui en fait le
terreau, ainsi qu'à une élévation du niveau de vie mondial sans
déprédation pour l'environnement.
Cette phase doit en effet être entourée d'une réflexion écologique
appropriée avec un recours accru aux énergies renouvelables et en
particulier à celle qui nous tirera à long terme de la dépendance
énergétique : l'hydrogène. Il est urgent de bannir les énergies
fossiles qui asphyxient l'atmosphère terrestre pour faire appel à
celles qui sont capables de véritables miracles écologiques.
Concernant l'économie dématérialisée, il s'avère utile de la prendre en
compte comme un secteur à part entière, le quatrième après ceux de
l'agriculture, de l'industrie et des services et de répercuter ses
bilans dans la comptabilité nationale de chaque pays, ce avec l'aide
des sociétés, y compris étrangères, qui s'y livrent à des activités
commerciales. On établira ainsi des descriptifs plus fidèles de la
réalité économique et une meilleure intelligibilité des données la
concernant. Aujourd'hui, ce secteur est encore très mal pris en compte,
ce qui a pour effet de fausser les grilles de lecture économiques ainsi
que les moyens à mettre en œuvre dans la conduction et l'exercice de
politiques appropriées. Ainsi il sera possible de l'intégrer plus avant
dans les économies nationales, de le taxer, sans fragiliser pour autant
le "mortar". On pourra faire des avancées plus grandes dans le paiement
électronique, contrepartie de l'établissement de relations "adultes"
entre les différents secteurs qui ne seraient plus séparés par des
hiatus remettant en cause leur intégration sociétale. Il sera alors
possible, sans crainte exagérée, que soient assimilés des pans plus
larges de la culture et des comportements de la société technologique
qui soient plus l'établissement d'un passage et d'une évolution
salvatrice plus qu'une révolution qui casse le fonctionnement
harmonieux d'un monde soudain soumis à des tiraillements excessifs.
Les règles qui définissent aujourd'hui les entreprises sont elles-mêmes
soit inadaptées, soit exagérément opérantes ce qui revient au même,
puisque ce trop managerial les fragilisent à terme et remet en question
leur positionnement dans les tissus où elles viennent s'implanter.
Partout se lit le recul de l'humain et de la prise en compte de sa
valeur.
C'est l'échec essentiel de l'ultra libéralisme.
Il se détache de la réalité pour un toujours plus pragmatique qui le
déconnecte des besoins réels de l'économie, c'est à dire répondre aux
besoins des hommes d'une manière optimale. Il ne répond plus aux
besoins humains. Il répond à terme aux desiderata aveugles de quelques
boards toujours plus restreints et avides et, à terme, on peut tabler
sur une dématérialisation finale de cette création de richesse
seulement conservée sous forme numérique dans des machines elles-mêmes
incapables de créer un mieux économique. C'est pourquoi il doit être
pensé en termes humains. Car dans un premier temps, s'il a été capable
d'établir une prospérité et une évolution réelle des sociétés qui l'ont
mis en œuvre et de créer une mystique associée qui était cohérente et
efficiente, il sera très vite incapable de produire un discours
d'adhésion large dans la mesure où il nie l'humain de manière toujours
plus grande.
Pour le sortir de l'ornière, et revenir au but initial de l'économie,
il faut replacer l'homme — et la femme — au centre de ses
préoccupations principales et créer une économie qui ne fonde plus sa
valeur étalon sur de l'or ou une devise mais sur l'homme lui-même,
valeur centrale de l'économie. Ce changement est énorme mais il est le
seul à terme comme un point de fuite dans un tableau permet de
lentement tracer toutes les perspectives du paysage.
Nantis de cet éclairage ontologique il est possible de faire
progressivement converger les décisions, et de guider les réflexions
qui seront nourris en marge de cette analyse. Il ne s'agit pas
d'abandonner un système économique pour un autre, mais de lentement
adapter l'existant aux nécessites qui se font aujourd'hui jour afin de
ne jamais prendre de vue l'essentiel. L'homme ne doit pas servir la
machine. Il doit au contraire être servi par elle. S'en servir comme
d'un outil. Dans les schémas qui servent à mettre au point les
produits, interfaces et systèmes destinés à notre quotidien à venir,
cette nécessité doit s'imposer à ceux qui en définissent les contours.
Sinon, notre richesse sera noyée dans des sables mouvants virtuels. Ce
ne sera pas le cas si nous savons être vigilants. Instituer des
gardent fous qui empêchent les exclus potentiels du système de sortir
de ses voies de circulation. Il faut garantir les éléments essentiels à
la vie.
Ceci, l'ultra libéralisme ne sait plus le faire.
C'est donc un capitalisme à visage humain qui doit émerger. Un
capitalisme qui assure à chacun les moyens de son enrichissement, de sa
mobilité sociale ou de sa réalisation personnelle en fonction de ses
capacités et de ses mérites, et dans lequel un certain nombre de minima
soient garantis à un niveau large, planétaire à terme. Un capitalisme
qui n'utilise pas la misère planétaire comme un moyen de réduire la
richesse des habitants des pays riches mais qui élève tous ceux qui
sont présents aux meilleurs standards qu'il a permis d'atteindre. C'est
vraiment une question d'imagination et d'organisation. Cette
conformation est non seulement possible mais elle n'est pas prédatrice
pour l'économie et ses mouvements sous jacents. Au contraire elle lui
permettra de dépasser le blocage sur lequel elle bute actuellement et
de se renouveler. L'intelligence numérique est pour nous un atout qui
nous donne une puissance d'intervention inégalée à ce jour et
l'apprentissage par les machines des données qui font notre réalité est
une chance de refondaison générale mais rien ne peut se créer en dehors
des ressources supérieures de l'esprit humain quand il est confronté à
un problème à priori insoluble.
Une fois ce saut sémantique fait, il y a fort à parier que nous verrons enfin émerger une prospérité nouvelle.
Gilles Marchand
Paris, Juillet 2015
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