Visions d'un Futur réussi
Par Gilles Marchand

On peut d'ores et déjà imaginer ce que seront l'économie de demain une fois que la métamorphose mondiale aura eu lieu.

Les grandes périodes de mutation sont des moments dangereux, où certaines des valeurs phares qui structuraient les anciennes sociétés subissent des modifications. Mais cela ne veut pas dire que cette nécessaire reconfiguration se passe forcément mal ou aboutisse à des situations dont nous ne pourrions nous satisfaire ou qui ne seraient pas meilleures que celles d'aujourd'hui. Les bouleversements en cours sont bel et bien profonds, mais les difficultés qu'ils induisent sont aussi des chances de refondation et d'amélioration sur un plan collectif large. Il faut qu'il se fasse de manière harmonieuse et à un rythme qui permette à tout le monde de l'assimiler.

Etre résolument optimistes — sans être béats — s'avère nécessaire, voire indispensable. Mais surtout savoir que la nouveauté actuelle, pour agressive qu'elle soit parfois, est  un immense progrès de la capacité de l'humain à définir son environnement à venir. Nos capacités d'intervention sur le réel se trouvent décuplées. Il s'agit à présent de savoir comment les employer. Définir ce que peut être un schéma moteur positif dans un tel contexte. Créer un code de bonne conduite international, qui nous éloigne de la jungle et du chacun pour soi myope. Le développement des marchés financiers est une nécessité mais sous peine d'assécher leur substance, il leur faut actuellement s'organiser pour devenir durables et plus adaptés aux nécessités à long terme de l'économie à venir et des acteurs qui en assurent le développement. L'interdépendance globale est une réalité chaque jour plus claire et elle commande une nouvelle donne dans les relations internationales.

Les différentiels d'évolution de certaines sociétés apparaissent d'autant plus nettement que nous disposons aujourd'hui des outils nécessaires à cette prise en compte. Ces écarts créent des dangers disruptifs. Nous venons de vivre sur le plan économique une période qui correspond à ce qu'étaient la pêche et la cueillette dans l'ordonnancement des économies humaines. La liberté qui prévaut et qui en soi est une bonne chose ne parvient pas à imaginer au plan international des schémas directionnels plus durables qui mettraient les économies à l'abri des dangers à long terme d'une telle pratique.

La spéculation et la manière dont on a fait fructifier les bassins de richesse internationaux s'appuient manifestement et ce dans la grande majorité des cas sur des techniques de création de richesse à court terme sans planification globale de ce qui pourrait une fois les limites de cette logique atteinte, permettre de créer les conditions d'un renouvellement collectif de la richesse créée, une meilleure division du travail, c'est à dire en envisageant des types de positionnements plus équilibrés et tenant compte des contraintes réelles de chacun des acteurs de l'économie et ce jusqu'au niveau individuel.

Il s'agit aujourd'hui d'inventer une “agriculture“ mondiale de la création de richesse. Apprendre à semer et à faire fructifier pour pouvoir nourrir sans rupture et replanter pour les récoltes suivantes et ce dans les domaines symboliques de l'information dont l'argent est une des composantes qui s'enrichit actuellement de nouvelles fonctions. Les grands ensembles mondiaux en harmonie avec ce qui est d'ordre plus large doivent impérativement imaginer des techniques nouvelles pour assurer la subsistance et la satiété de tous les acteurs économiques et ce, quels que soient leurs secteurs.

Il apparaît aujourd'hui qu'un quatrième secteur économique voit le jour qui échappe à tous les autres et corrobore en même temps leur activité. Celui de la création de richesse virtuelle. Ce ne sont plus des services au sens traditionnel du terme mais une nouvelle forme d'activité reposant sur des pratiques symboliques. Ce quatrième secteur doit harmoniser les relations qu'il entretient avec les trois autres. Bref, s'insérer harmonieusement dans la vie économique. Ses valeurs doivent être relatives à l'ensemble existant. Ceci se fera et permettra des accroissements de richesse importants en plus de générer une stabilité nouvelle de l'économie mondiale.

Il faut donc une “prise en comptes“ permettant des échanges intermédiaires à tous les niveaux afin d'insérer, de greffer presque, cette économie nouvelle, qui en réalité n'est qu'un secteur économique, sur l'existant. Il faut pour cela relativiser ses valeurs dans un système d'évaluation valable au plan mondial. L'économie telle qu'elle fonctionnait jusqu'à présent et surtout sur le plan monétaire était tributaire des contraintes technologiques, voire politiques et administrative de son temps. Les frontières ne jouent plus le même rôle aujourd'hui. Il faut donc adapter les variables de l'échange à cette nouvelle réalité. L'échange des denrées se maintiendra selon les termes existants mais il y aura désormais des grilles de correspondance permettant l'harmonisation que nous recherchons. La multiplication actuelle de zones de libre-échanges devrait à terme favoriser le commerce mondial, gage de prospérité créant elle-même les conditions d'une stabilité accrue.

Il faut donc édicter, réaliser d'une manière qui ne pénalise personne, un code de bonne conduite qui intègre, sans lui permettre de devenir destructrice, la puissance des marchés, et les rendent moins prédateurs en préconisant, ou en facilitant, certaines orientations ou actions à mener, et qui, en contre-partie, assure leur pérennité. L'avion — que l'on croit à tord sans pilote — qu'est l'économie mondiale y trouverait un moyen de se diriger et d'atterrir de temps en temps pour renouveler ses réserves plutôt que de courir indéfiniment jusqu'à se crasher par manque de prévoyance. Aujourd'hui, cette nécessaire amélioration est imaginable d'une manière douce et incorporant progressivement certains types d'activités financières. Elle ne peut se faire qu'avec l'accord de tous et doit être un plus pour tous.

Plus solidement constituée l'économie mondiale y gagnerait en réalisme et maîtriserait mieux les effets de l'information financière, souvent contradictoire aujourd'hui. La croissance serait ainsi consolidée et le marasme économique de nations entières comme c'était le cas en Argentine ou en Grèce, et, dans une moindre mesure, en Espagne, au Portugal, pourrait ainsi être évité. Nous aurions entre nos mains des outils d'analyse et de réforme nouveaux, des variables économiques plus réactives et efficaces, des hommes plus sûrs d'eux mêmes et de leur capacité de projection dans l'avenir.

Toute l'économie et la société serait, ainsi, revivifiée parce qu'elle aurait alors dépassé et résolu les huit crises majeures auxquelles elle était confrontée. Dépassant de ces écueils dangereux, elle pourrait alors prendre une option à long terme sur l'avenir, et négocier ses transformations ultérieures avec la confiance et la sérénité nécessaire. S'éloigner définitivement de la crise nous fera du bien. Un bain de jouvence civilisationnel rénovant un tissu social qui sera grandement bénéficiaire d'un tel saut conceptuel.


Gilles Marchand
Paris, Juillet 2015




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