La
crise qu'à connu le World Wide Web n'est qu'une péripétie
fonctionnelle. La galaxie Internet est non seulement viable à long
terme mais elle ne sera plus remise en cause si nous savons inventer la
théorie économique qui va avec.
Tout
le monde s'est dépêché d'enterrer Internet. Le couplage des start-up
avec les mécanismes internes du monde financier ont très rapidement
faussé la donne, dérégulé toutes les structures solides sur lesquelles
il pouvait reposer. Les bulles financières qui se sont constituées
autour de chacune d'elles ont créé une fragilité d'autant plus grande
qu'elles se sont comportées pour la plupart comme des entités
virtuelles, et dépendaient largement d'une circulation d'autant plus
volatile qu'elle n'était pas assurée. Malgré les tentatives marketing
consistant à fidéliser des audiences qui dans l'absolu devaient devenir
captives et dont les profils seraient mieux connus par des sites qui
malheureusement avaient adopté des stratégies identiques au même moment.
La médiatisation d'un grand nombre d’entre eux a souffert de cette
simultanéité qui réduisait d'autant leur visibilité, leur faisait
déverser leurs munitions médiatiques au même moment et sur les mêmes
supports. Un certain désenchantement a touché nombre d'employés dont
les stock-options se sont révélées inexistantes en fin de cycle. Le
constat semble noir.
Il est en fait beaucoup plus riche de potentiels que ce que certains
semblent aujourd'hui penser d'autant que l'on a assisté à une
concurrence objective entre "vieille" et "nouvelle" économie qui créait
des déprédations inutiles. Les deux formes d'activité ont été à ce
point opposées qu'elles se sont trouvées des raisons de douter l'une de
l'autre, alors qu'elles sont fondamentalement imbriquées et ce à tous
les niveaux. Elles ne coexistent pas sur des planètes différentes
malgré la tendance des start up a baser l'essentiel de leur production
sur des biens immatériels. L'excessive dérégulation des processus de
création économique a fragilisé la structure sur laquelle elles
reposaient de manière collective. Une structure de mousse savonneuse où
chaque entité repose sur des appuis fonctionnant au niveau de leurs
concurrents ou partenaires, en bulles qui augmentaient la flexibilité
générale de l'édifice mais qui lui déniaient une architecture solide,
qui puissent être renforcé par un certain nombre de règles d'or
économique(s).
Les start up vont émerger à nouveau mais avec des structures bien plus
solides en prenant notamment en compte les strictes nécessités
économiques et règles de gestion. Calculs prévisionnels plus rigoureux,
sécurisation des hommes et de leurs conditions de travail, dégagement
de marges de fonctionnement et d'autofinancement directement issues de
leurs marchés et non plus uniquement de business angels et
d'institutions financières. Cette triangulation financière renforcera
leur solidité. Leurs décisions seront inspirées de schémas réellement
adaptés à leur type de fonctionnement.
Enfin, la grande nouveauté viendra de l'introduction de l'argent,
variable qui n'était jusque là qu'à la charge quasi exclusive des
start-up dans tous les domaines d'échanges. L'argent des ventes
directes au niveau du web va rendre Internet directement profitable et
constituer une immense source de financement. La nouvelle économie
autant qu'on puisse la dissocier de l'économie tout court sera enfin
opérationnelle et constituera d'une manière quasi automatique des
structures de profits réels sous formes d'entités viables à long terme
tout en conservant leur souplesse.
A ce titre ces entreprises auront la mission sociétale, non seulement
d'injecter une part plus grande de cet argent dans la société par le
financement de leur masse salariale, mais également de jouer ce rôle
social dont elle voudraient trop souvent se défausser. Nous
retournerions à la case crise profonde si cette masse économique était
captée et vouée qu'à ne faire que sécréter des financements en boucles
comme c'est encore trop souvent le cas. Cette articulation financière
est responsable des effondrements auxquels on assiste aujourd'hui.
C'est pourquoi il est nécessaire d'agir vite afin de reconstituer le
tissu socio-économique des sociétés qui sont menacées par la
disparition de leurs classes moyennes.
Ne vouer l'activité économique qu'à un niveau strictement financier
nierait la valeur des infrastructures qui seraient ainsi dévitalisées,
mêmes lorsqu elles sont viables, voire bénéficiaires. Ce à quoi nous
assistons fréquemment. La crise vient en grande partie d'une
dématérialisation de la richesse qui perd ses attaches avec le concret
et se distancie par conséquent des acteurs économiques individuels et
collectifs auxquels elle nie toute implication dans le processus de
production. Elle contribue également à la destruction des structures
étatiques qui garantissaient une part du fonctionnement collectif des
sociétés. Le respect des acteurs économiques est une nécessité à
laquelle les entreprises doivent réfléchir comme arpent de théorie
économique vital à la préservation sur le long terme des facteurs de
production. L'immatériel pour l'immatériel créé une mise en boucle
redoutable y compris pour ceux qui s'en estiment bénéficiaires.
C'est la raison pour laquelle, la création de la richesse inouïe que va
créer Internet doit préalablement être encadrée par une théorie
économique qui fasse une part principale à l'homme en tant que variable
économique, afin de le réintégrer dans la pensée économique. Une
robotisation à outrance ne résoudra pas le problème. Les sociétés
humaines doivent dégager des espaces viables pour leurs concitoyens et
ce au niveau international dans la mesure où l'interconnectivité des
systèmes ouverts rend cette dépendance incontournable. Il s'agit de
rendre humainement productive et de maîtriser collectivement une
mécanique qui autrement deviendrait une machine infernale, myope et
dévastatrice. Cette prise de conscience est en train d'éclore en de
nombreux lieux de l'activité économique mondiale y compris dans ses
centres.
Les biens qui seront échangés, qu'ils soient réels ou virtuels, rendent
nécessaire l'établissement de règles de financement et d'échange
propres qui permettent une réinjection financière dans les sociétés
humaines.
Pour toutes ces raisons et à partir du moment où seront mises en place
ces glissières de sécurité, Internet va ouvrir un nouveau cycle de
richesse économique à un échelon nécessairement mondial dans la mesure
où tous nos systèmes d'échanges informationnels sont à présents
ramifiés. Le redépart de l'activité économique éloignera de nous trois
grands maux : l'ennui, la paresse et le besoin disait Voltaire.
Aujourd'hui cette prise de conscience amènera également la réduction
d'une part des inégalités, donc de l'insécurité et, par-là, du
terrorisme.
La carence fait perdre aux hommes leurs réflexes de civilisation. La croissance les leur rend.
Gilles Marchand
Paris, Juillet 2015
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