Vouloir
aujourd'hui systématiquement opposer les tenants de l'ancien et du
nouveau monde informatique est une manière de résumer les joutes
protocolaires actuelles particulièrement contre productive.
C'est
une vision qui simplifie, synthétise, peut donner un éclairage
semi-rationnel, mais c'est surtout une façon faussée de lire
l'actualité en évacuant la réalité, une réalité qui est infiniment, et
c'est tant mieux, plus complexe que ce que semblent vouloir faire dire
certains.
Vouloir tout opposer en regard des anciennes valeurs car il y a
effectivement des valeurs qui aujourd'hui subissent une réactualisation
— mot affreux dans ce contexte — est une façon de nier la
complémentarité fondamentale entre ce qu'on appelle le virtuel et la
réalité qui aujourd'hui révèle plus qu'elle ne transforme plusieurs
hypothèses. Il y a bien différents niveaux de réalité, mais
vouloir systématiser les relations d'affrontement, les logiques
prédatrices entre le hard et le soft, entre l'ancienne économie et la
nouvelle est une vision à court terme, réactive d'une certaine manière,
réactionnaire même, qui évacue la sophistication réelle de mondes que
nous opposons et qui sont en définitive inextricablement enchevêtrés,
ce qui est une bonne chose. Il y a un maillage complexe et à tous les
stades, des relations, des interpénétrations. Le phénomène d'ouverture
s'exprime aussi à ce niveau.
Nous ne sommes pas passés d'une économie ancienne à une nouvelle
économie selon des formules de développement mues par une trop grande
confiance puis d'une économie nouvelle à un retour en arrière du au
pessimisme ambiant face aux implications humaines de tels changements,
nous passons d'un stade de développement à un autre stade de
développement faisant la part belle à toutes les formes possibles
d'évolution entrepreneuriale.
En somme l'économie ne peut être basée sur l'économie, sur la
permanente réduction des coûts de production et sur la perpétuelle
réduction du facteur humain, mais doit être pensée dans le sens du
développement de la richesse et le "capital humain" — second vocable
insupportable — concoure pour une très large part à la richesse des
entreprises. C'est bien cette expérience humaine, hors des travaux
d'ergonomie manageriale, qui fait la richesse des sociétés qui sont
capables de développer leurs atouts plutôt que de constamment rogner
sur les budgets humains. Cette myopie existe à tous les niveaux. Or les
nouvelles entreprises et les anciennes, présentes depuis toujours, ou
presque, ont besoin de savoir développer leur faculté de prise en
compte des facteurs réels d'évolution. Sinon nous aboutiront à une
perpétuelle négation des valeurs humaines qui est préjudiciable au-delà
du strict champ économique. La logique de perpétuelle concentration est
une logique d'amenuisement qui aboutit pour part à la situation
d'actuelle de menace sur l'équilibre de fonctionnement.
Pour sortir de cette menace il faut remplacer l'humain au centre de
l'entreprise. Qu'il en soit la valeur étalon. Une société basée sur une
hyper précarité stricte est une société qui n'a pas d'avenir. Elle
nierait son propre avenir et ce qui est de l'ordre du nécessaire si
elle négligeait les facteurs qui peuvent lui permettre de sortir, ou de
ne pas entrer, dans la récession. Ce n'est bien sûr pas là la seule
orientation utile, mais elle est primordiale. A tous les niveaux, la
qualité des hommes fait la différence. Bien sur leur capacité à
évoluer, leur connaissance de l'algèbre informatique est primordiale.
Il ne faut donc pas paniquer.
Il faut se mettre au travail. Ne pas se placer dans des perspectives
extrêmes. Ne pas non plus se placer dans un esprit de régression.
Sortir de l'appréhension, retrouver la confiance en soi et dans les
équipes auxquelles on est rattaché. C'est dur pour vous, c'est dur pour
un nombre large d'entre nous. Sachons faire face. Partout faire
affleurer les conditions d'une réorientation constructive des
professionnels afin que leur expérience ne soit pas perdue. Voire une
simple continuation de ce qui fonctionne. On ne change pas une équipe
qui gagne, un système qui gagne. Quelle ne soit pas "démobilisée". Ce
serait là le but non avoué de certains esprits obscurantistes qui
remettent en cause la solidarité et l'esprit d'initiative dont sont
capables ceux qui font l'économie au quotidien.
Aidez-vous les uns les autres. Aidez-vous vous-même. Soyez votre propre
mécène. Retrouvez le souffle. Réapprenez à respirer. A organiser votre
temps. A profiter de l'espace de liberté qui se dégage. Faites
plein de choses intéressantes et ne vous laissez pas guider par une
logique obscurantiste ou régressive ou réductrice. Repartez. On croit
qu'il n'y a parfois rien à faire, que nous n'avons aucune marge de
manœuvre. Que le chômage est seul censé venir répondre. C'est faux. Il
n'y a jamais eu autant de travail à accomplir pour qui sait se donner
la peine de l'imaginer.
L'important est de ne jamais désespérer.
Gilles Marchand
Paris, Juillet 2015
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